Statut du bailleur privé : adoption par amendement au Sénat
Le Sénat a adopté, le 30 novembre 2025, un amendement instaurant le dispositif du statut du bailleur privé dans le cadre des discussions budgétaires pour 2026. La version votée précédemment par l’Assemblée nationale, le 14 novembre, a été sensiblement modifiée. Ce qui fait dire à la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers) qu’elle a été vidée de toute sa substance. « Ce qui s’est passé dimanche soir est un déni de réalité. On vient d’inventer un statut qui n’existe pas et qui n’existera jamais », se désole Pascal Boulanger, président de la FPI.
L’amendement adopté a été déposé par Marc-Philippe Daubresse, sénateur (LR) du Nord. Il était inspiré du rapport parlementaire remis le 30 juin 2025 à Valérie Létard dont il était co-rédacteur. Sa copie, plus incitative que celle votée à l’Assemblée nationale, a été largement sous-amendée par le Gouvernement pour en réduire la voilure et minimiser les coûts pour l’État.
Dans sa nouvelle version, le dispositif du statut du bailleur privé, créé à son origine pour relancer l’investissement dans le logement locatif, crée un amortissement fiscal pour la location nue dans le neuf et l’ancien avec travaux avec un engagement de louer le bien pendant neuf ans et dans les 12 mois suivant l’achèvement des travaux ou l’acquisition.
Quels logements éligibles dans l’ancien ?
Les logements éligibles dans le neuf sont ceux acquis, réservés ou dont le permis de construire a été déposé entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2028. Les logements éligibles dans l’ancien sont ceux ayant fait l’objet de travaux assimilés à du neuf au sens de la TVA et des logements classés D, E, F ou G au DPE, avec des travaux dont le prix est supérieur à 20 % du prix d’acquisition.
Alors que l’amendement initial du sénateur Marc-Philippe Daubresse prévoyait un amortissement à 5 % pour le neuf et 4 % dans l’ancien, l’amendement du Gouvernement a rétabli les taux d’amortissement votés à l’Assemblée nationale soit : 3,5 % pour le neuf et de 3 % dans l’ancien, avec une majoration pour le neuf d’un point pour une location à un loyer social (4,5 %) et de deux points pour un loyer très social (5,5 %). Le foncier est exclu forfaitairement de l’amortissement à hauteur de 20 % du prix d’acquisition.
Le bailleur ne peut plus bénéficier d’un plafond en réduction d’impôt
Le Sénat a modifié la logique du dispositif en instaurant un plafond en base déductible fixé à 8 000 euros par an et par foyer fiscal (les députés avaient introduit le même plafond, avant de rejeter le texte final). Le bailleur pourra donc déduire 8 000 euros maximum de charges d’amortissement par an, quelle que soit sa tranche d’imposition et ne peut plus bénéficier d’un plafond en réduction d’impôt comme c’était le cas dans la version initiale (10 000 euros).
Parallèlement, le Sénat a supprimé le relèvement du plafond d’imputation du déficit foncier sur le revenu global porté à 21 400 euros par l’Assemblée. L’amortissement et les déficits générés par le dispositif sont désormais strictement cantonnés aux seuls revenus fonciers, sans possibilité de réduire l’impôt sur les salaires ou les autres revenus.
Les acteurs du logement « stupéfaits » de cette nouvelle version
« Le vote intervenu au Sénat dimanche 30 novembre sur le statut du bailleur privé laisse l’ensemble des acteurs du logement stupéfaits, se désole-t-on à la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers). L’architecture des amendements déposés à la fois par le groupe Union Centriste, notamment Amel Gacquerre et Hervé Marseille, ainsi que par des sénateurs Les Républicains, dont Marc-Philippe Daubresse, Sophie Primas et Mathieu Darnaud répondait parfaitement à la nécessité de relancer l’investissement locatif et, avec lui, la production de logements dont notre pays a cruellement besoin ».
Et d’ajouter : « En choisissant de sous-amender ce dispositif jusqu’à le vider de sa substance, le Gouvernement a transformé une réforme structurante en coquille vide. Il l’a fait subrepticement, en déposant trois sous-amendements quelques minutes avant leur examen, privant les sénateurs d’un examen préalable de leur incidence sur le dispositif proposé et en annonçant des chiffres pour le moins critiquables.
« Ce statut vidé de son contenu ne relancera pas l’investissement locatif. Il ne permettra aucun redémarrage significatif de la productionneuve (y compris pour l’accession et le social), donc aucune amélioration de l’accès au logement pour nos concitoyens. »
« Cela va au-delà de nos pires cauchemars » (P. Boulanger, FPI)
Pour sa part, Pascal Boulanger, président de la FPI, a déclaré :
« Ce qui s’est passé dimanche soir est un déni de réalité. On vient d’inventer un statut qui n’existe pas et qui n’existera jamais. Le sujet n’est pas de savoir si les promoteurs mettront la clé sous la porte ; le vrai sujet, c’est que les habitants ne pourront pas ouvrir la porte de leur futur logement… puisqu’il ne sera pas construit. Cela va au-delà de nos pires cauchemars ! ».
Ce que prévoyait le rapport Daubresse-Cosson de juin 2025
Réalisé par Mickaël Cosson, député (Modem) des Côtes-d’Armor et Marc-Philippe Daubresse, sénateur (LR) du Nord, le rapport parlementaire sur le statut du bailleur privé a été remis à Valérie Létard, ancienne ministre du Logement le 30 juin 2025. Il prévoyait cinq mesures « chocs » pour relancer l’investissement locatif :
• 5 % d’amortissement pour le neuf ;
• 4 % d’amortissement dans l’ancien, sous condition de 15 % de travaux ;
• 50 % d’abattement pour la location nue de longue durée ;
• bonus d’amortissement de 0,5 à 1,5 % pour les loyers abordables ;
• exclusion des biens mis en location de longue durée de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière.