Encadrement des loyers : le secteur divisé sur la proposition de loi adoptée par les députés
« Dispositif décourageant l’investissement locatif », « vote historique », « un acte de communication politique », « magnifique victoire »… Telles sont quelques-unes des réactions divisées du secteur de l’immobilier quant à l’adoption de la proposition de loi visant à pérenniser l’encadrement des loyers à l’Assemblée nationale, le 11 décembre 2025.
Déposée par Iñaki Echaniz, député (PS) des Pyrénées-Atlantiques, la proposition de loi a été adoptée à 105 voix « pour » et 56 « contre ».
Elle vise notamment à pérenniser dans le temps l’expérimentation de l’encadrement des loyers instaurée par l’article 140 de la loi Elan du 28 novembre 2018, dont le terme est prévu au 31 décembre 2026. Le texte doit désormais être examiné au Sénat.
Voici les réactions des acteurs de premier plan de l’immobilier et du logement que nous avons rassemblées :
Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du logement, lors des discussions parlementaires dans l’hémicycle, le 11 décembre 2025 :
« Si le gouvernement comprend parfaitement la nécessité de légiférer sur l’encadrement des loyers avant la fin de l’expérimentation, qui surviendra à un moment où le calendrier législatif sera très contraint, il ne ressent pas le besoin pressant de le faire dès aujourd’hui.
Nous sommes entrés dans la phase de bilan de l’expérimentation. Je regrette que ce débat intervienne quelque peu prématurément : la mission confiée aux économistes Gabrielle Fack et Guillaume Chapelle doit permettre d’évaluer cette expérimentation partout où elle a été mise en place pour déterminer s’il convient de poursuivre, d’étendre et potentiellement d’enrichir le dispositif ».
Danielle Dubrac, présidente de l’Unis à notre partenaire News Tank Cities :
« Nous n’avons pas le recul nécessaire pour généraliser l’encadrement des loyers. Nous avons besoin d’une évaluation sérieuse de toutes les implications économiques. Le bilan d’expérimentation, prévue dans la loi ELAN n’a pas été rendu. Partant du constat que la temporalité n’est pas bonne, nous sommes défavorables à cette PPL qui ajoute de l’instabilité réglementaire. Il était urgent d’attendre. Elle envoie un signal négatif aux bailleurs et aux investisseurs.
« Il était urgent d’attendre »
On ne comprend pas pourquoi il y a une volonté de généraliser maintenant. Tous les territoires n’ont pas le même recul, certains ont commencé récemment l’expérimentation. De plus, nous sommes en attente d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris sur l’encadrement des loyers qui porte sur l’homogénéité du zonage dans la capitale suite à un arrêt du Conseil d’État du 18 novembre 2024. Nous sommes très attentifs à l’homogénéité du zonage, car à Paris il y a pas moins de 80 zones et 14 quartiers.
Dans certains endroits, l’encadrement des loyers est incohérent et crée des effets pervers : baisse de l’offre, blocage sur la rénovation énergétique… Notre proposition est de cesser les encadrements en l’état. Nous pourrions envisager l’organisation d’une conférence autour du rapport des deux économistes une fois qu’il sera remis. Il serait également possible de proroger l’expérimentation de deux ans, jusqu’en 2028, étant donné que certaines villes ont commencé tardivement. »
Loïc Cantin, président de la Fnaim :
« À force de faire peser sur l’ensemble des propriétaires bailleurs la suspicion de cupidité - loin de la réalité des milliers de petits propriétaires qui mettent des logements à disposition partout dans le pays - nos élus vont simplement décourager les derniers Français prêts à investir dans la pierre malgré les contraintes.
Une nouvelle contraction de l’offre et une aggravation de la crise du logement
Ce texte n’est pas une réponse à la crise du logement : c’est un acte de communication politique. Le résultat ne fait aucun doute : une nouvelle contraction de l’offre, et une aggravation de la crise du logement. À force de décisions démagogiques, on décourage l’investissement locatif, on raréfie l’offre, et au final ce sont les locataires qui en paient le prix. »
Arnaud Hacquart, président fondateur d’Imodirect :
« Ce vote intervient au pire moment. Alors que les nouveaux investisseurs ont quasiment disparu et que de nombreux bailleurs s’interrogent déjà sur la vente de leurs biens, ajouter encore des contraintes revient à fragiliser un marché locatif en tension extrême.
Ce vote intervient au pire moment
Depuis plusieurs années, les propriétaires bailleurs reculent, découragés par l’instabilité fiscale et la complexité réglementaire. Et à chaque nouvelle annonce, ce sont non seulement les propriétaires qui renoncent, mais aussi les locataires qui trinquent, faute de logements disponibles. On ne protège pas les locataires en décourageant ceux qui les logent. »
Norbert Fanchon, président du Groupe Gambetta :
« Encadrement des loyers, on y va… droit dans le mur. Mais on y va ! En 2025 dans l’immobilier neuf comme dans l’ancien, un logement sur cinq est vendu à un investisseur.
L’Assemblée nationale va renforcer la tension locative
La simplification de l’encadrement des loyers voulue par les députés va décourager encore plus les propriétaires à acheter ou à mettre leur logement en location. En partant d’une bonne intention, l’Assemblée nationale va renforcer la tension locative. La crise du logement ne fait que commencer… »
François Gagnon, président d’ERA France et ERA Europe :
« Contre l’avis du gouvernement, les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi visant à rendre permanent l’encadrement des loyers, censé s’arrêter en novembre 2026. Une démarche qui n’est pas salutaire alors que la France connaît de fortes tensions sur le marché locatif. Ne pas traiter la cause principale du problème est préjudiciable : le manque d’offre de logements. Qui peut croire qu’encadrer les loyers’ apportera une solution durable ?
Ce dispositif décourage l’investissement locatif : en plafonnant les loyers, il réduit la rentabilité et la prévisibilité pour les propriétaires. Le résultat est logique : plus de ventes et des locations retirées du marché, qu’il s’agisse de meublés touristiques ou de résidences secondaires. Logiquement, le retrait des investisseurs entraînera une baisse de logements disponibles, et donc des loyers plus élevés. Un véritable contresens. Dans ce contexte, ce sont surtout les nouveaux locataires qui pâtiront de ce dispositif : choix plus restreint, sélectivité accrue, dossiers refusés.
Une démarche qui va à l’inverse du bon sens
De plus, cette mesure repose sur une expérimentation non évaluée. Le gouvernement lui-même recommandait d’attendre une évaluation indépendante, mais l’Assemblée a préféré légiférer avant même que les conclusions ne soient rendues publiques. Une démarche qui va à l’inverse du bon sens.
Certes l’encadrement des loyers peut sembler protecteur à court terme, mais il risque d’aggraver structurellement la crise du logement. En réduisant l’offre, il pénalise surtout ceux qu’il prétend aider. »
Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon :
« Vote historique et transpartisan à l’Assemblée : l’encadrement des loyers est pérennisé ! Pendant que la Droite locale s’enferme dans le dogme pour supprimer ce bouclier social, nous souhaitons l’étendre à d’autres communes de la Métropole. »