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Résiliation de l’assurance emprunteur : quelles nouvelles règles et conséquences ?

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Le 17 février 2022, le Sénat a adopté définitivement la loi permettant de résilier son assurance de prêt à tout moment. Intitulée loi Lemoine, cette mesure devrait instaurer plus de concurrence sur un marché détenu jusqu’à présent jalousement par les banques. Focus sur ce qui va changer.

Quelles nouvelles règles de l’assurance emprunteur ? - © D.R.
Quelles nouvelles règles de l’assurance emprunteur ? - © D.R.

Que dit la loi Lemoine ?

Issue de la proposition de loi « Pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur » présentée par la députée Patricia Lemoine, le texte a été adopté le 15 février dernier par l’Assemblée Nationale et le 17 février 2022 par le Sénat après moult rebondissements.

Promulguée  le 28 février 2022 et entrée en vigueur au 1er mars, la loi n° 2022-270 comporte trois dispositions majeures.

« La première est la possibilité désormais pour l’emprunteur de résilier à tout moment et sans frais l’assurance emprunteur à compter de la signature de l’offre de prêt », indique Maître Corinne Frappin, avocate en droit immobilier. Cette mesure tant attendue va ainsi permettre de simplifier les dispositifs déjà mis en place par la loi Hamon en 2015 et la loi Bourquin en 2018 permettant à l’assuré de changer d’assurance emprunteur après la première année de souscription, puis à chaque date anniversaire du contrat.

Pourquoi une nouvelle loi ?

« Le législateur s’est rendu compte que le marché assureur emprunteur était clairement captif puisque plus de 80 % des assurances étaient souscrites auprès des banques, alors que d’autres acteurs sont susceptibles de proposer des assurances à des conditions plus favorables », justifie Maître Corinne Frappin.

Pour Horace Bourgy, président d’Inixia, courtier en assurance : « Cette mesure devrait également permettre de mettre fin à de nombreux abus, dont le fameux chantage au taux qui consiste à ne pas maintenir les conditions d’octroi du crédit en cas de recours à une assurance externe  ». Ainsi, même si une si une banque impose son assurance de prêt lors de la souscription du crédit, l’emprunteur pourra désormais la résilier le même jour.

Dès le 1er juin 2022, tous les nouveaux contrats d’assurance de prêt souscrits seront ainsi soumis à loi Lemoine et bénéficieront donc de la possibilité de résiliation infra-annuelle. Pour les contrats d’assurance emprunteur déjà en cours avant cette date, il faudra attendre le 1er septembre 2022 pour pouvoir envisager une résiliation et une renégociation de son contrat à tout moment. Seule obligation : substituer une nouvelle garantie à la garantie.

Suppression du questionnaire de santé et droit à l’oubli

Autre disposition phare de la loi Lemoine : la suppression du questionnaire de santé et de tout examen médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros et dont le terme intervient avant le 60e anniversaire de l’emprunteur. Pour un couple assuré à 50 % sur chaque tête, le montant du prêt maximum est, quant à lui, porté à 400 000 euros. « Concrètement, un emprunteur atteint d’un problème de santé ne pourra plus subir d’exclusions de garantie ou de surprimes qui augmentaient jusque-là fortement le taux de l’assurance », observe l’avocate.

A travers le droit à l’oubli, la loi Lemoine a également pour objectif de faciliter l’assurabilité des personnes atteintes de certaines maladies graves, telles que le cancer et l’hépatite C, en réduisant son délai de 10 ans à 5 ans.

Ainsi, un emprunteur ne sera désormais plus tenu d’informer l’organisme assureur de sa pathologie datant de plus de 5 ans à compter de la fin du protocole thérapeutique. « Cette mesure permet ainsi de mettre fin à une double peine pour ces personnes qui non seulement ont connu la maladie, mais qui avaient également jusqu’à présent d’énormes difficultés à obtenir un prêt ou alors avec des conditions d’assurance difficilement tenables et extrêmement chères », souligne Horace Bourgy.

A noter que si le droit à l’oubli concerne pour le moment uniquement les cancers et l’hépatite C, le législateur a prévu que dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la loi, c’est-à-dire fin mai, une négociation devra être engagée sur les possibilités d’appliquer ce droit à d’autres pathologies. « Si celle-ci n’aboutit pas, le Conseil d’Etat sera alors chargé de décider à quelle autre maladie pourra s’étendre ce droit à l’oubli. Il existe donc aujourd’hui pour l’Etat une véritable volonté de faciliter l’octroi de crédit aux personnes ayant des problèmes de santé », met en avant Maître Corinne Frappin.

Enfin, pour permettre aux emprunteurs d’y voir plus clair et de comparer les contrats entre eux, la loi Lemoine oblige désormais les organismes à indiquer le coût de l’assurance sur les 8 premières années de crédit. Grâce à cette information, les consommateurs pourront ainsi plus facilement affiner le calcul d’économies qu’ils pourront réellement réaliser en changeant l’assurance de leur prêt immobilier.

Une bonne nouvelle pour le marché de l’immobilier 

« Un emprunteur qui résilie son contrat banque et qui passe sur une délégation d’assurance devrait ainsi en moyenne économiser 12 000 euros. Une somme non négligeable qui va permettre de redonner du pouvoir d’achat aux Français », se réjouit le président d’Inixia. Selon l’Association UFC-QUE CHOISIR, environ 550 millions d’euros par an pourraient ainsi être réinjectés dans le budget des ménages français. Une aubaine qui devrait avoir des retombées bénéfiques pour le marché immobilier. « Cette loi va faciliter l’accès à l’emprunt de tout un pan de la population qui pouvait jusque-là renoncer à l’acquisition ou réduire son budget en raison d’un montant d’assurance trop élevé », conclut l’avocate.

Par Stéphanie Marpinard