Franchise

« Nous subissons une injustice »

Par Christian Capitaine | Le | Réseaux-franchise

Le 27 novembre 2020, alors qu’une réouverture des commerces est envisagée, quel sort sera réservé aux agences immobilières ? Pourront-elles à nouveau organiser des visites ? Olivier Alonso, président du réseau Nestenn, qui se pose en porte-parole pour ImmoMatin des dix principales enseignes du secteur - très actives sur le retour du droit aux visites - veut y croire. Une certitude : tous les acteurs de la filière restent ardemment mobilisés.

Olivier Alonso, président du Groupe Nestenn - © D.R.
Olivier Alonso, président du Groupe Nestenn - © D.R.

Les commerces pourraient rouvrir le 27 novembre, selon le gouvernement. Cela vous redonne-t-il espoir de pouvoir à nouveau organiser des visites ? 

Je pense - et même si je n’ai aucune certitude à ce sujet - que les agences immobilières feront partie des professions libérées de ces contraintes liées à ce deuxième confinement. Mais encore une fois : officiellement, rien n’a été acté concernant une reprise pleine et entière de notre activité. Nous restons tous, réseaux d’agences immobilières, mobilisés. 

Les 10 principaux réseaux (1), dont Nestenn, ont adressé deux lettres ouvertes aux pouvoirs publics afin que puisse être rétablie la possibilité de visites. Vous ont-ils écoutés ? Un dialogue s’est-il installé entre vous ? 

Nous avons mutualisé nos ressources, nos efforts et nos engagements pour nous faire entendre auprès du président de la République, et ce à travers ces deux lettres, la première publiée dans Le Monde et la deuxième dans Le Journal du Dimanche. Ce regroupement des réseaux leaders au travers de cette initiative démontre combien notre action doit être considérée comme légitime par les pouvoirs publics.

Alors, oui, ils nous ont écoutés, notamment la ministre Emmanuelle Wargon, en charge du logement, ainsi que de nombreux députés bien au fait des réalités du terrain. Mais pour l’heure, nous n’avons pas eu de réponse précise de leur part à la principale question concernant ce droit aux visites. 

Savez-vous pourquoi ?

Je pense qu’ils ont parfaitement conscience de la situation. Il n’y a, à mon avis, de la part du gouvernement aucune volonté de blocage. Nous avons conscience de sa charge de travail. Certainement, a-t-il d’autres dossiers à traiter prioritairement ? Et certainement a-t-il paré au plus pressé, concernant nos activités, en décidant d’interdire les visites.

Il n’empêche, nous continuons à déplorer le traitement injuste qui nous est fait. Sans visite, la chaîne de l’immobilier est cassée. Les agents immobiliers, avant ce reconfinement, ont réalisé des milliers de ventes et de locations sur toute la France. Et devant l’impossibilité qui est faite aux acheteurs et locataires de visiter les biens, nombre d’entre eux risquent de se retrouver à la rue sans logement ! Où est le droit au logement ?

Vous parlez de traitement injuste qui vous est fait. C’est-à-dire ?

Injustice est faite, d’abord, à nos clients ! Nous l’avons rappelé à Emmanuelle Wargon : le logement est un droit. Il y a aussi une forme d’injustice par rapport au marché de particuliers à particuliers qui, on le suppose, est toujours rythmé par des visites. Est-ce vraiment légal ? Il est utile de rappeler qu’une visite organisée par un professionnel offre toutes les garanties sur le plan sanitaire : le protocole, nous le connaissons parfaitement, nous l’expérimentons depuis le premier confinement.

Nous avons même proposé aux pouvoirs publics d’intégrer dans le dispositif des visites l’obligation de télécharger l’application TousAntiCovid. Enfin, injustice est faite à notre profession vis-à-vis des bailleurs sociaux qui, eux, sont toujours autorisés à faire visiter les biens. Pourquoi eux et pas nous ? Nous n’avons pas eu de réponse au moment où je vous parle.

Face à ce blocage, quels sentiments vous animent ? 

D’abord l’incompréhension. Nous pouvons rentrer des mandats, les signer, prendre des photos, donc nous rendre chez les vendeurs et y passer du temps. Nous pouvons aussi estimer les biens, mais nous ne pouvons pas les faire visiter ? Reconnaissons que la situation est parfaitement ubuesque ! Nous lançons un appel au gouvernement : faites preuve de bon sens. Les agents immobiliers ne véhiculent pas le virus.

Ensuite, la colère nous anime aussi, et plus encore parmi tous nos collaborateurs qui ne peuvent pas travailler. Ce que nous demandons est simple : rajouter le droit de visite sur les attestations de déplacement, et au-delà d’un kilomètre de son domicile, sinon cela n’aurait aucun sens.

Jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour que la situation se débloque ? 

Nous n’irons pas jusqu’à manifester dans la rue. Pas question de créer des foyers épidémiques. Et nous ne nous positionnerons pas en frondeurs. Nous sommes davantage dans une posture pédagogique : ce que nous voulons, c’est proposer des idées afin que des décisions de déblocage puissent être prises, comme, par exemple, éditer un guide sanitaire pour encadrer nos activités, et notamment les visites.

Une certitude : tant que le statuquo sera là, nous continuerons à faire pression sur les pouvoirs publics. L’immobilier, le logement, est un sujet hyper sensible pour les Français. Et si notre profession n’est pas entendue, il est fort à parier que la pression viendra de la population.  

Quel est l’impact de ce reconfinement sur la santé de vos affaires ? 

A l’impact psychologique sur nos collaborateurs, qui n’est pas à négliger, il y a un impact commercial. Nous avions heureusement, jusqu’à ces récentes semaines, rattrapé le retard accusé lors du premier confinement, portés par une activité forte. S’agissant de cette deuxième vague, nous ne rattraperons pas les ventes perdues de novembre. En fin d’année, les Français sont traditionnellement davantage concentrés sur la période des fêtes plutôt qu’à se mettre en quête d’un logement, sauf pour les acquisitions de contraintes. En conséquence, 2020 sera en baisse par rapport à 2019 pour le marché.

Un dernier point positif est à relever : la crise liée à ce second confinement n’a pas eu d’influence sur les prix de l’immobilier.

(1)

Dans Le Monde : Century 21, Citya Immobilier, Era Immobilier, Foncia, Orpi, Nexity, Nestenn, Laforêt, L’Adresse et Guy Hoquet. 

Dans Le Journal du Dimanche : L’Adresse, Century 21, Citya Immobilier, Era Immobilier, Foncia, Orpi, Nexity, Nestenn, Laforêt, L’Adresse, Guy Hoquet et Square Habitat.