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« Le resserrement du PTZ va tuer l’accession à la propriété » (Yannick Borde, Procivis)

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Dans une interview exclusive accordée à notre partenaire News Tank Cities, Yannick Borde, président du réseau Procivis, juge la position du Gouvernement sur le prêt à taux zéro (PTZ) inacceptable. Pour lui, le resserrement du PTZ va tuer l’accession à la propriété. « Sur tout ce qui touche à l’accession sociale (BRS, PSLA, zone ANRU, vente HLM), il faut du PTZ, quel que soit le zonage, dit-il. Sinon, ce n’est pas la peine de dire que l’on soutient les classes moyennes.  »

Yannick Borde, président du réseau Procivis. - © D.R.
Yannick Borde, président du réseau Procivis. - © D.R.

Comment accueillez-vous la nomination de Patrice Vergriete au poste de ministre délégué chargé du Logement ? Qu’en attendez-vous, au vu de la situation actuelle du secteur du logement ?

Nous avons un ministre qui est marqué par son statut d’ancien élu et par ce qu’il a fait sur sa ville. Il a une culture de l’urbanisme, de la construction, et il sait bien que derrière le développement économique, il doit toujours y avoir le logement.

Il faut espérer que l’on ne reste pas sur la posture de ce qui a découlé du CNR. Nous verrons dans les semaines à venir, il y aura l’étape du PLF, le débat sur la décentralisation, au moins une loi logement. La décentralisation est un sujet de long terme, pas d’urgence. En annonce d’urgence, il n’y a rien qui se dessine.

Ce qui est rassurant, c’est que le ministre partage le constat qu’il y a un besoin de logements dans ce pays. La vraie question, c’est la marge de manœuvre, et la capacité de gagner des arbitrages politiques. Je suis un farouche combattant des notions de zones tendues et détendues : désormais, on le voit bien, il y a des besoins partout où il y a du dynamisme économique. Le problème est quand même de taille ! 

Le ministre partage le constat qu’il y a un besoin de logements dans ce pays

L’indicateur le plus inquiétant, ça n’est pas la production, c’est la vitrification du marché locatif. Si on ne peut pas quitter le locatif pour de l’accession, alors la situation stagne, et personne ne peut entrer sur le marché locatif. On voit aujourd’hui la bérézina pour les étudiants, pour les saisonniers, pour les salaires modestes qui arrivent sur un territoire. Tous ces phénomènes sont totalement ignorés et la machine ne tourne pas.

L’impact de la taxe foncière n’est pas non plus à négliger : entre l’augmentation budgétée par les foncières, et l’augmentation réelle, les écarts sont colossaux. Il y a des villes qui prennent 2 à 3 mois de loyers en taxe foncière. Aujourd’hui, le bureau commence à souffrir, le commerce aussi, mais on ne voit pas pourquoi les investisseurs viendraient pour autant vers le résidentiel. Quoi qu’il en soit, cela ne peut pas faire office de politique du logement. Il faut travailler sur la production et son financement.

Que pensez-vous du positionnement marqué du ministre concernant la décentralisation ?

La politique d’urbanisme et de logement est déjà très décentralisée : les maires ont la main sur le PLU, sur le PLH, sur les permis de construire. Il y a un pouvoir local qui est réel. En matière de décentralisation, il y a un sujet prioritaire pour moi, c’est la réforme du zonage, qui devient archaïque et totalement inadapté aux territoires. Il faut dire aux élus locaux, sur une aire qui reste à définir (ça peut être l’EPCI, le département) : « Avec vous, on organise le zonage sur votre territoire, on essaie d'être intelligents ».

Intégrer la ville-centre dans une zone, la moitié de la première couronne dans une autre, et l’autre moitié dans une troisième, ça n’est pas faire preuve d’une analyse fine du contexte social et économique du territoire. Si on essaie d’appliquer la décentralisation à cette notion de zonage, proche de ce qui a été imaginé dans l’expérimentation du Pinel breton, nous serons prêts à y contribuer.

Il y a un sujet prioritaire, c’est la réforme du zonage, qui devient archaïque et totalement inadapté aux territoires

Il y a peut-être également des notions d’attributions de logements qu’il faut revoir. Nous sommes farouchement opposés au détricotage de la loi SRU. Il ne reste pas énormément de choses à décentraliser, mais il faut faire preuve d’un peu plus de finesse au niveau des dynamiques et problématiques des territoires : les questions des littoraux, des villes étudiantes, des seniors, se posent différemment d’un territoire à un autre. Aujourd’hui, avec le vieillissement, le desserrement familial, il faut construire pour maintenir sa population

Quelle est votre position par rapport aux dernières annonces concernant le prêt à taux zéro (PTZ) ?

Annoncer, dans le contexte actuel, que l’on va resserrer le PTZ, et que l’on va le « verdir » en ne le réservant qu’au collectif, c’est redonner un coup très brutal sur la production et casser la possibilité pour des classes moyennes de devenir propriétaires.

Le raisonnement est étrange : on nous dit qu’on doit recentrer le PTZ car il n’a pas eu l’effet escompté, ce qui n’a rien d'étonnant. Le PTZ n’avait qu’un intérêt limité avec des taux à 1 % mais maintenant que les taux sont à 4 ou 5 %, l’effet va être total. C’est sûr qu’il va coûter un peu plus cher, puisque l'État va compenser l'écart de taux. Il faut peut-être plutôt proposer un PTB (prêt à taux bonifié) de 2 ou 3 points.

Le resserrement du PTZ, notamment au niveau géographique, est vraiment le sujet à combattre dans le PLF 2024

Par ailleurs, on a encore besoin du PTZ pour tout ce qui relève de l’accession sociale, or celle-ci ne se fait pas principalement dans les zones tendues. Encore une fois cette notion de zone tendue est tout de même assez floue. Lorsque l’on constate que des territoires à 4 % de chômage sont en zone C, il y a un problème.

La promotion immobilière, ça ne se fait pas à la rue ou au boulevard, mais au territoire. Les promoteurs vont se jeter sur les nouvelles zones B1, et ça ne va pas faire baisser les prix !

Le resserrement du PTZ, notamment au niveau géographique, est vraiment le sujet à combattre dans le PLF 2024, qui n’est déjà pas extraordinaire niveau logement. 

Quelles sont justement vos attentes par rapport au PLF (Projet de loi de finances) 2024 ?

Je ne suis pas certain que les choses aient beaucoup bougé par rapport à ce qui nous a été présenté au début de l'été après le CNR. Ce PLF 2024 semble à contre-cycle par rapport à la nécessité de relancer la construction et la commercialisation.

Mais de notre point de vue, c’est la position sur le PTZ qui est inacceptable, ce sera notre combat pour le prochain PLF : le resserrement du PTZ va tuer l’accession à la propriété. Sur tout ce qui touche à l’accession sociale (BRS, PSLA, zone ANRU, vente HLM), il faut du PTZ quel que soit le zonage ! Sinon ce n’est pas la peine de dire que l’on soutient les classes moyennes.

Avez-vous d’autres messages à faire passer ?

Il faut se poser la question de la préservation et de la rénovation du parc existant. Les banques annoncent favoriser les achats des étiquettes A, B C et D, et bonifier les taux. Mais demain, si un client a les moyens de tout de suite financer des travaux d’un logement à étiquette E, il faut que la banque puisse le financer, sinon le logement finira par sortir du marché.

Quand la Loi Climat et Résilience a été votée, on a estimé à 11 millions le nombre de logements dont l'étiquette énergétique est à redresser d’ici 2035. On n’y est pas. Je fais confiance à l'État pour débloquer les choses, notamment en facilitant la prise de décision en copropriétés mais il faudra bien trouver une solution pour le financement du reste-à-charge des ménages, et cela ne se fera pas sans les banques. Il faut penser un instrument commun au service de la massification de la rénovation énergétique.

La rénovation ne sera pas une solution à la baisse des prix

Ceci-dit, penser qu’on va tous basculer sur la rénovation est une fausse solution. Ça ne sera pas une solution à la baisse des prix, car la prise de risque est plus forte. Je ne suis pas certain que la demande soit aujourd’hui suffisamment mûre pour surpasser la culture du neuf. Il est beaucoup plus compliqué de vendre de l’ancien réhabilité que du neuf.

L’avantage énorme de la rénovation, c’est que la masse est là, et répond aux enjeux des permis de construire, des difficultés de voisinages, et de densification de l’espace urbain, mais ça ne peut pas être la solution absolue à la crise du moment.