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Copropriétés : « Les syndicats sont concurrencés par des acteurs plus souples »

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« Les syndicats historiques des syndics de copropriétés (FNAIM, UNIS, SNPI) sont concurrencés par de nouveaux acteurs plus souples qui veulent acquérir une légitimité dans leurs relations avec les pouvoirs publics, légitimité dont les syndicats jouissent déjà de par leur statut », indiquent, à notre partenaire News Tank Cities, Anne-Claire Davy et Franziska Barnhusen, respectivement sociologue urbaniste et chargée d’étude rénovation énergétique pour l’Institut Paris Région, le 28 novembre 2023.

Gros plan sur le métier de syndic de copropriété - © D.R.
Gros plan sur le métier de syndic de copropriété - © D.R.

À l’occasion de la présentation du rapport sur « Les mutations contemporaines des syndics de copropriété », Anne-Claire Davy et Franziska Barnhusen répondent aux questions de News Tank.

L’Institut Paris Région rend compte des résultats intermédiaires d’une recherche sur la profession et le métier de syndic de copropriété. Pouvez-vous nous expliquer les contours de cette étude ? 

Cette étude était inscrite dans un programme du PUCA (Plan urbanisme construction architecture) sur les copropriétés contemporaines. Nous avons profité de l’occasion pour aborder les questions relatives aux syndics de copropriété et à la connaissance entourant ces métiers.

Il est souvent difficile d’échanger avec les grands représentants du métier de syndic. Or, nous avons constaté une véritable demande et un intérêt très fort pour participer à cette étude.

Franziska Barnhusen, Institut Paris Région - © D.R.
Franziska Barnhusen, Institut Paris Région - © D.R.

Les acteurs nous ont très bien accueillis et ont souhaité réfléchir avec nous à leurs pratiques et à l’image parfois dégradée que peut transmettre leur métier.

L’enjeu était donc de nourrir une réflexion sociologique sur la profession de syndics, concernant ses valeurs, sa structure économique et culturelle.

Dans le premier chapitre vous identifiez trois types ou segments de syndics. Pouvez nous les présenter brièvement ?

En effet, la profession semble être structurée en trois segments : 

1/ Les indépendants : l’indépendant incarne la figure historique du mandataire de proximité et de la profession non commerciale. Les cabinets indépendants gèrent entre 50 et 60 % des copropriétés en France. De petite taille pour la plupart, ils constituent le segment le plus nombreux du groupe des syndics professionnels. 

2/ Les Groupes : Ce sont les adhérents de Plurience (dont Foncia, Nexity et Citya). Il y a également des structures plus « familiales » portant le nom de leurs fondateurs comme Loiselet & Daigremont ou Dauchez. Les Groupes ne sont pas plus homogènes que les indépendants. Ils sont de taille très variée.

Foncia est le plus gros, avec 2 millions de lots gérés, ce qui représente environ 20 % du parc des copropriétés gérées en France. Suivent, avec plus de 700 000 lots chacun, Nexity et Oralia. Les autres gèrent entre moins de cinquante mille et plusieurs centaines de milliers de lots. 

3/ Les nouveaux entrants : Ce sont parfois des startups incubées par des groupes (Syndic One créé initialement par Sergic) ou des pure players de la proptech (Bellman ou Matera). Ils pèsent relativement peu à l’échelle du groupe, les plus gros d’entre eux, en nombre très limité, gèrent entre 600 et 750 copropriétés [à noter que Matera, syndic coopératif en ligne créé en 2017, accompagne 8 000 copropriétés en France et en Allemagne. Le groupe est le 4e acteur de gestion de copropriété en termes de parts de marché].

Ces entrants surfent tous sur la vague de la digitalisation de l’immobilier et n’exercent parfois pas l’activité de syndic mais outillent les syndics bénévoles et coopératifs.

Les frontières entre les groupes sont poreuses, car d’anciens cabinets indépendants ayant eu un développement en filiale conséquent peuvent se reconnaître dans la désignation de Groupe.

Certaines associations indiquent que le statut de mandataire peut parfois créer des dysfonctionnements dans l’activité de syndics. Qu’en pensez-vous ? 

Il y a une différence entre prestataire et mandataire. Le mandataire a une mission à accomplir mais l’exerce dans une liberté conséquente tandis que le prestataire devra remplir un certain nombre de tâches définies en amont par le commanditaire.

Dans le métier de syndic, cette distinction est extrêmement importante car la profession est attachée à son autonomie et à ses savoir-faire (juridique, économique ou technique). Par conséquent, cette liberté peut entraîner des dérives et des blocages pour les copropriétaires.

On arrive parfois à des situations ubuesques où des copropriétaires voulant changer de syndics ne peuvent pas, car cela n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale par le syndic lui-même.

Anne-Claire Davy, Institut paris Région - © D.R.
Anne-Claire Davy, Institut paris Région - © D.R.

De la même manière, pour poursuivre en justice un syndic, il faut un représentant des copropriétaires qui ne peut être qu’un autre syndic. Autant de situations qui sont parfois difficilement extirpables.

Il faut comprendre que notre étude n’a pas pour but de pointer du doigt les dérives des syndics. Elle a davantage pour but de comprendre la culture et le développement passé et quotidien de la profession.

La profession des syndics est-elle réellement caractérisée par une faible régulation interne ?

Il y a un autocontrôle plutôt faible ; les syndicats n’ont pas forcément un rôle actif de sanction ou de régulation de la profession. À l’inverse, les pouvoirs publics opèrent une régulation très forte de la profession. Il existe un contrat type qui doit être respecté par l’ensemble de la profession et qui détermine notamment les tâches et les missions pouvant être facturées.

Pourquoi les petites structures de syndics semblent souffrir d’un manque de représentation de leur profession ?

Les syndics sont historiquement représentés par trois syndicats professionnels, la FNAIM, l’UNIS et la SNPI. Nous avons voulu expliquer qu’aujourd’hui les champs de la représentation professionnelle des syndics se sont complexifiés.

Ces trois syndicats ont toujours les conditions juridiques pour représenter la profession, mais dorénavant d’autres structures, comme les associations professionnelles, émergent avec des statuts plus souples et investissent le dialogue entre la profession et les pouvoirs publics. Plurience s’inscrit dans ce type d’association et joue finalement le rôle de lobby spécifique aux grandes entreprises adhérentes.

Ainsi, les réflexions des grands groupes sont parfois unifiées et vont défendre uniquement les intérêts d’un certain segment de la profession. Il faut noter que l’association l’ANGC, créée en 2017, est la seule de ces structures de représentation professionnelle entièrement dédiée à la copropriété et au métier de syndic.

En effet, dans les autres structures, l’ensemble des métiers de l’immobilier cohabitent et une partie de la profession était frustrée. Certains voulaient donc s’organiser pour défendre les problématiques propres de la profession (manque de personnel, mauvaise image, difficulté de recrutement et formation des gestionnaires).

Les syndicats historiques (FNAIM, UNIS, SNPI) sont donc aujourd’hui concurrencés par de nouveaux acteurs plus souples qui veulent acquérir une légitimité dans leurs relations avec les pouvoirs publics, légitimité dont les syndicats jouissent déjà de par leur statut.  

Quels sont les défis majeurs auxquels la profession doit faire face pour son avenir ?

Les préoccupations des syndics de petite taille ne sont pas les mêmes que celles des grands groupes, notamment en ce qui concerne la rénovation énergétique. Certains syndics liés à de grandes entreprises auront la logistique nécessaire pour gérer les travaux, tandis que d’autres seront davantage en difficulté en cas de demande de leurs copropriétaires.

Il faut également comprendre que les mutations de la société, et donc les demandes des copropriétaires, affectent la profession. Les mutations principales sont :

  • La digitalisation : Pendant la pandémie de Covid, les syndics ont dû se transformer rapidement, avec des progrès fulgurants dans ce domaine. Désormais, la profession réfléchit à d’autres modèles économiques grâce à des outils numériques qui permettent de délester certaines tâches ingrates. Grâce à la numérisation, les syndics essaient donc de regagner de l’attractivité en mettant en avant les qualités d’expert du bâtiment et de relationnel avec les copropriétaires.
  • La féminisation : Certaines associations professionnelles constatent que de nombreux gestionnaires, surtout des femmes, arrêtent après la première maternité car les conditions de travail, en particulier les horaires tardifs, ne correspondent plus à leurs attentes. Il y a donc un travail à faire pour attirer l’ensemble des publics à ces métiers.
  • La rénovation énergétique : Les acteurs nationaux de la gestion des copropriétés se montrent globalement très investis auprès des pouvoirs publics sur le sujet de la rénovation énergétique. Il y a cependant un fort clivage entre l’engouement des représentants des syndics au niveau national et l’attitude réservée des cabinets et des gestionnaires vis-à-vis de la rénovation énergétique.

Il est important de noter que ces trois segments identifiés ont tous comme conséquence le besoin de recruter. Or, c’est une problématique soulevée par l’ensemble du secteur. L’attractivité du métier périclite, et pour y remédier, les modèles sont en train de changer (outils numériques, AG en journée, etc.).