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Bureaux : « Un coup d’arrêt après 4 ans de forte croissance » (M-L. Leclercq de Sousa, JLL France)

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Marie-Laure Leclercq de Sousa, directrice leasing markets advisory chez JLL France et présidente de la Fnaim Entreprises, explique, dans les colonnes de News Tank Cities, les raisons qui ont conduit le marché de l’immobilier d’entreprise à se replier, avec quatre années de très forte croissance.

Marie-Laure Leclercq de Sousa, directrice leasing markets advisory chez JLL France - © D.R.
Marie-Laure Leclercq de Sousa, directrice leasing markets advisory chez JLL France - © D.R.

Quelles est l’ampleur de la contraction de l’activité locative au 1e semestre 2020 et de la vacance, avec quelles perspectives au 2esemestre ?

Notre branche d’activité, en particulier, a pris de plein fouet le retournement de conjoncture. Elle additionne le confinement, le renforcement des mesures d’hygiène et les difficultés de paiement de certains locataires. Résultat : au 1e semestre 2020, 667 500 m² en demande placée de bureaux en Île-de-France ont été recensés, en baisse de 40 % par rapport au 1e semestre 2019. Un volume qui comprend la giga transaction de la tour Total à La Défense. Sans elle, la baisse serait de 50 %.

C’est un coup d’arrêt qui intervient dans un contexte de très forte croissance depuis 4 ans. Néanmoins, nous maintenons notre projection d’un niveau de prises à bail entre 1,2 et 1,5 million de m2 en 2020. Les délais de prise à bail, entre le 1e contact et la signature, n’ont pas évolué significativement en 2020. Ils sont de 4 mois pour les PME, de 9 à 12 mois pour les ETI et d’environ 24 mois pour les grandes entreprises.

Selon vous, seule une minorité d’entreprises envisage une réduction de leurs espaces. Quels sont vos indicateurs ?

Il ne faut pas céder au catastrophisme. Les baux commerciaux sont longs. Ils génèrent une forme de stabilité et d’inertie. Ensuite, les stocks sont bas. Le taux de vacance est inférieur à 3 % dans Paris et 5,5 % en Ile-de-France, avec un stock de 2,99 millions de m2 disponibles. Il n’y a pas d’impact sur les valeurs. Dans le détail, il existe quelques poches de difficultés ici ou là, je pense aux nouveaux campus, où l’offre est supérieure au marché.

Si l’on regarde le tableau froidement, on constate que le Covid-19 décale la demande placée, que le télétravail redimensionne les projets d’entreprise et que le flex office redessine la configuration des bureaux. Le déploiement du télétravail est une piste pour la majorité des entreprises. Pour autant, ces dernières sont une minorité à envisager une réduction de leurs espaces. A l’avenir, le bureau se fera, ce que nous nommons « Hub & Club », c’est-à-dire à la fois centre névralgique et lieu de socialisation où l’on partagera les valeurs et la culture de l’entreprise.

Quels sont les types de projets mis en suspens, selon vous ?

Les projets immobiliers dont le permis de construire n’a pas encore été délivré peuvent évoluer. Dans les autres cas, quand le permis est purgé de tout recours, il n’y a pas de changements notables. Le changement, il faut le chercher ailleurs, dans la possibilité de transformer et de muter des locaux existants face aux aléas. Dans l’histoire de l’urbanisme, nous ne sommes pas les premiers à devoir montrer notre capacité d’adaptation. L’immobilier haussmannien du 19e siècle en est un bon exemple.

Quels sont formats de bureaux les plus impactés par la conjoncture économique et sanitaire ?

Le segment des surfaces de + 5 000 m2 est le plus touché. C’est logique. C’est sur ce segment que les entreprises entament une réflexion, imaginent de nouvelles organisations, y compris pour des raisons sanitaires, en lien avec le CHSCT et les institutions représentantes du personnel (IRP), par exemple. Globalement, nous constatons que les entreprises cherchent à réinventer les usages de leurs espaces de bureaux afin de favoriser les échanges, la transmission du savoir et la créativité de leurs équipes.

Dans ce contexte troublé, quel doit être le rôle des professionnels ?

Dans l’immobilier d’entreprise, nous devons continuer à miser sur l’effet Brexit. À l’international, nous avons des atouts. Il faut croire en la France et en sa capacité à attirer les investisseurs et les entreprises. Dans notre patrimoine immobilier fortement renouvelé en Ile-de-France, nous avons des m2 verts, technologiques, plus sobres et intelligents au service de la stratégie des entreprises. Ne cédons pas à l’attentisme. Dans ce contexte de relance, l’heure est au renouveau, à l’innovation. Le bureau est mort, vive le bureau !, c’est notre mantra.