Pourquoi la France reste bloquée à 57 % de propriétaires ?
Malgré deux décennies de taux historiquement bas, la proportion de ménages propriétaires en France reste figée à 57,4 %. Un paradoxe qui interroge alors que 80 % des Français aspirent à devenir propriétaires. Pour Robin Rivaton, président de Stonal, le blocage vient moins des banques que du manque de logements et de prix toujours trop élevés.

La France reste un pays de propriétaires… mais pas autant qu’on l’imagine. C’est le constat dressé par Robin Rivaton, président de Stonal, lors d’une conférence organisée par Crédit Logement le 17 septembre dernier, aux côtés de son directeur général Jean-Marc Vilon.
Selon lui, le marché immobilier français illustre une contradiction majeure : malgré vingt années de conditions de financement historiquement favorables, la proportion de ménages propriétaires de leur résidence principale demeure inchangée, à 57,4 %.
Un désir massif, une réalité figée
« On dit toujours que la France est un pays propriétaire. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas », tranche Robin Rivaton. Les chiffres sont implacables : alors que 75 à 80 % des ménages expriment le souhait de devenir propriétaires, seules un peu plus de la moitié y parviennent.
La cause ? Ni les banques, qui rejettent environ 15 % des dossiers, ni l’accès au crédit. Le frein réside davantage dans le manque de logements disponibles et dans des prix qui restent durablement trop élevés par rapport au pouvoir d’achat.
Le cycle des taux : la fin d’une parenthèse
La Banque de France estime à 3,09 % le taux moyen des nouveaux crédits à l’habitat en juillet 2025, légèrement inférieur au mois précédent (3,11 %) mais toujours au-dessus des 3 % de moyenne depuis le début de l’année.
« La baisse des taux est terminée et il pourrait y avoir une remontée », prévient Jean-Marc Vilon. Les marchés financiers, le coût du refinancement bancaire et les débats au sein de la BCE laissent entrevoir un scénario de stabilisation, voire de tension.
Dans ce contexte, Robin Rivaton souligne une forte hétérogénéité des offres : « Quand une banque se remet en conquête de marché après 18 mois d’arrêt, elle peut pratiquer des prix 60 % inférieurs à ceux de la concurrence. » Un signe que la compétition interbancaire demeure, malgré la fin du cycle de baisse.
La culture française du taux fixe : un frein à la mobilité
Autre spécificité française : l’ancrage culturel du taux fixe. « En France, nous avons une culture du taux fixe. Ailleurs, la culture du taux variable est dominante », rappelle Rivaton.
Ce modèle, longtemps protecteur, montre aujourd’hui ses limites. Aux États-Unis, où près de 95 % des crédits sont désormais à taux fixe, de nombreux ménages ont emprunté à 3 % et se trouvent bloqués, incapables de revendre pour racheter à des conditions actuelles proches de 6 %.
La France commence à connaître un phénomène similaire, bien que moins marqué. Les primo-accédants ayant contracté des emprunts autour de 1 % hésitent à se lancer dans un nouvel achat avec des taux désormais supérieurs à 3 %. Résultat : la fluidité du marché est menacée, notamment pour les secondo-accédants, freinant ainsi la mobilité résidentielle et l’offre disponible.
Un système à réinventer
Le constat posé par Rivaton met en lumière une impasse structurelle. La France dispose d’un marché où l’aspiration à la propriété est forte mais où l’offre et les prix bloquent la concrétisation des projets. Le tout dans un environnement de financement moins favorable qu’auparavant.
« Le problème vient du système », résume le président de Stonal. Pour que l’accession à la propriété retrouve un nouvel élan, l’enjeu ne sera plus seulement monétaire mais bien structurel : produire davantage de logements, maîtriser les coûts et rétablir une mobilité indispensable au bon fonctionnement du marché.