« Se passer des constructions neuves est une hérésie » (Robin Rivaton, CEO de Stonal)
Par Christian Capitaine | Le | Services pour évaluer
« Vouloir créer une politique de transition environnementale du bâtiment en se privant de l’outil de production de logements de qualité par le biais de la construction neuve est, selon moi, une hérésie », affirme Robin Rivaton, CEO de Stonal, à notre partenaire News Tank Cities.
Quelles solutions sont envisagées pour combler l’écart entre la politique publique ambitieuse de transition environnementale du logement et sa mise en œuvre concrète ?
Il existe un écart entre les discours ambitieux de la politique publique de transition environnementale du logement telle qu’elle est conçue par l’État et sa mise en œuvre réelle sur le terrain. Mon objectif est de favoriser une meilleure transmission entre les deux.
Je suis convaincu que la transition environnementale est inévitable, mais il est également important d’accepter que ceux qui ont élaboré les grandes lignes de sa mise en œuvre aient pu commettre des erreurs.
l’État commence à prendre conscience de la difficulté du nouveau Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) pour les petites surfaces
Les lois et les réglementations doivent être évolutives, tout d’abord en termes d’efficacité réelle, grâce à des outils de mesure vérifiables et constamment contrôlés. Elles doivent également prendre en compte les effets néfastes que la réglementation peut engendrer. Enfin, elles doivent être adaptées en fonction du contexte conjoncturel, qui n’est pas toujours le même.
Bien sûr, il ne faut pas changer constamment de cap, car nous cherchons à modifier les comportements à long terme. L’objectif est de tenir compte des difficultés remontées du terrain, lorsque les professionnels sont confrontés à des problèmes concrets dans leur quotidien.
D’ailleurs, l’État commence à prendre conscience de la difficulté du nouveau Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) pour les petites surfaces, qui sont beaucoup plus désavantagées par rapport au modèle de calcul et à la consommation d’eau chaude sanitaire.
Comment pouvons-nous repenser notre approche de la transition énergétique du bâtiment en France ?
Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est un outil utile et largement utilisé dans la plupart des pays européens pour transposer les directives. Il semble donc judicieux d’avoir une échelle de mesure similaire en France.
Cependant, la problématique réside davantage dans les comportements que nous adoptons grâce à cet outil. Il est important de se poser les bonnes questions quant à la pertinence du calendrier des interdictions de location des passoires énergétique. Ce choix est principalement ciblé sur les propriétaires bailleurs, mais il convient de considérer la stratégie de rénovation dans un objectif global et national de décarbonation.
Nous devrions investir davantage dans la transition vers des sources d’énergie décarbonées
Le sujet est double. En effet, souhaitons-nous décarboner les bâtiments ou simplement réduire leur consommation, même si elle n’est pas excessive ? Il est essentiel de prendre en compte ces deux problématiques et de travailler dans ces deux domaines.
Cependant, je suis d’avis que les efforts et les investissements déployés pour réduire la consommation des bâtiments ne valent pas nécessairement la peine par rapport à une stratégie de décarbonation des sources d’énergie qui alimentent les bâtiments. Il est donc primordial de repenser notre approche et d’envisager des solutions plus globales.
Nous devrions investir davantage dans la transition vers des sources d’énergie décarbonées, telles que les énergies renouvelables, afin de véritablement décarboner nos bâtiments. Cela nécessitera une réflexion approfondie sur les politiques et les incitations appropriées pour encourager cette transition énergétique.
La Fnaim propose de créer un DPE spécifique au bâti d’avant 1948. Est-ce une solution viable ?
Le DPE est concentré sur l’impact carbone et la consommation d’énergie, un bâtiment ancien peut être consommateur de carbone tout en ayant eu un impact moindre car son coût carbone a été amorti un certaine nombre de fois. Si l’on ajoute les coûts patrimoniaux et architecturaux à engager pour la transformation du bâtiment ancien, la question de la pertinence de sa rénovation se pose réellement. Je ne pense malgré tout qu’il faille multiplier les DPE car leur utilisation est d’ores et déjà assez floue. Je serais davantage favorable à créer des exceptions sur des critères évidents pour tous, tels que la surface ou la date de construction.
La réglementation environnementale du logement vous parait-elle efficace ?
Il est essentiel de se questionner sur ce qu’est une bonne loi. Une bonne loi doit remplir trois conditions fondamentales. Tout d’abord, elle doit atteindre son objectif de manière plus efficace que d’autres outils parallèles, en y parvenant à un coût raisonnable. Ensuite, elle doit éviter les effets néfastes qu’elle pourrait engendrer. Enfin, elle doit limiter la capacité des individus à l’ignorer ou à la contourner.
Dans ce contexte, il est indéniable que la réglementation liée à la transition énergétique du bâtiment présente certains risques en termes de réduction du stock de logements. Cependant, les besoins démographiques, socio-économiques et culturels continuent de croître, ce qui nécessite une augmentation du parc de logements.
De plus, il est probable que cela entraîne le développement d’un marché gris. En effet, les sanctions contre les propriétaires qui louent des passoires thermiques sont moindres. Les locataires ne peuvent que se tourner vers les tribunaux pour demander une révision du loyer.
Par conséquent, il est logique de penser que certaines personnes peu scrupuleuses prendront le risque de participer à la création d’un marché parallèle, ce qui, une fois de plus, affectera les personnes les plus démunies.
La politique privilégiant les rénovations des bâtiments existants ne serait-donc pas pertinente ?
Je suis toujours surpris d’entendre les partisans de la politique de transition énergétique du logement affirmer qu’ils sont contre la construction. Pourtant, les meilleurs logements restent ceux qui sont construits selon des normes de plus en plus exigeantes. Bien que la rénovation puisse être bénéfique, elle reste extrêmement limitée en termes de production d’étiquettes énergétiques de classe A.
Les meilleurs logements restent ceux qui sont construits selon des normes de plus en plus exigeantes
De plus, les conséquences sociales d’une diminution du stock de logements sont considérables, telles que l’entassement des familles, l’augmentation des violences conjugales, la baisse de la natalité due à l’incapacité de déménager, les problèmes scolaires et éducatifs, etc. Vouloir créer une politique de transition environnementale du bâtiment en se privant de l’outil de production de logements de qualité par le biais de la construction neuve est, selon moi, une hérésie.
La FPI annonce (à travers une étude de l’ESCP Junior Conseil) un besoin de 450 000 logements par an. Olivier Klein, lors du Mipim, a porté ce chiffre à 370 000. Comment expliquez-vous cette différence ?
Le chiffre mythique du nombre de logements nécessaires par an perd de plus en plus de signification, car chaque année d’autres logements sont détruits pour atteindre ce chiffre. La statistique de référence ne prend pas en compte cette part de déconstruction. Peu importe qu’il s’agisse de 250 000 ou de 450 000, il est essentiel d’intégrer les déconstructions dans cette mesure et de continuer à construire.
Le travail de reconstruction de la ville repose en grande partie sur la construction neuve. Malheureusement, nous prévoyons une décennie creuse en termes de construction, ce qui est réellement dommageable.
En effet, la France ne doit pas réduire son parc de logements et continuer sur son rythme de la dernière décennie où nous avons été très efficaces en maintenant un niveau de construction supérieur à la moyenne européenne.
Concepts clés et définitions : #La transition énergétique