« La crise immobilière est derrière nous, mais la crise du logement est devant nous » (L. Cantin, Fnaim)
Au terme d’une année marquée par un net rebond des transactions dans l’ancien, Loïc Cantin, président de la Fnaim, reste optimiste pour 2026. Malgré les incertitudes liées aux taux, il écarte tout scénario de repli du marché mais alerte, à quelques jours de l’ouverture d’Immo le congrès Fnaim 2025, sur l’urgence d’une vraie politique du logement alors que le statut du bailleur privé, récemment adopté par le Sénat, lui apparaît largement insuffisant.
A quel atterrissage peut-on s’attendre, fin 2025, au niveau des volumes de transactions dans l’immobilier existant en France ?
Le marché terminera l’année conformément aux prévisions que nous avions données en juin dernier, c’est-à-dire autour des 940 000 actes signés sur douze mois, sachant qu’à fin octobre nous étions déjà à 929 000 ventes réalisées.
Ce retour de la croissance, au-dessus de 10 %, après deux exercices 2023 et 2024 difficiles, a été permis, d’une part, par les huit baisses successives, ces derniers mois, des taux de la Banque centrale européenne (BCE), puis par l’accompagnement des porteurs de projets immobiliers par les professionnels du secteur et, enfin, par l’acceptation de nombreux vendeurs d’accorder une baisse de prix sur leur bien, redonnant ainsi du pouvoir d’achat aux acquéreurs.
Nous nous félicitions également d’observer que les taux d’emprunts immobiliers se stabilisent, alors que nous vivons une période économique compliquée.
Dans son dernier « Observatoire » publié fin novembre, le Groupe BPCE indique que la stabilité des taux de crédits à l’habitat pourrait laisser place à une légère hausse d’ici la fin de l’année, qui se poursuivrait en 2026 pour atteindre 3,35 %. Cette projection vous inquiète-t-elle ?
En tout cas, je ne vois pas pourquoi les taux baisseraient alors que ceux de la BCE ne bougent pas. N’assiste-t-on pas également à un rattrapage des marges de certains établissements bancaires ? Certainement …
Alors oui, il y a un risque d’une remontée des taux de crédits, difficile à prévoir, mais qui serait la conséquence de tensions inflationnistes fortes en Europe, avec un renchérissement du coût de l’argent préjudiciable pour le marché immobilier.
Le Groupe BPCE table également sur des volumes de ventes dans l’ancien en repli de 2 % en 2026. Croyez-vous à ce scenario ?
Non, je n’y crois pas. Le marché ne baissera pas l’an prochain. Le parc immobilier n’a pas encore retrouvé son taux de rotation normal, qui est un taux d’équilibre. Les prix de l’immobilier sont revenus à une normalité. Nous avons gommé toutes les augmentations non contrôlées de ces dernières années.
Si les taux d’intérêt se maintiennent, le marché n’a aucune raison de voir ses volumes de ventes diminuer. Nous sommes installés sur une tendance haussière qui se poursuivra au moins jusqu’à juin 2026.
Nous sommes installés sur une tendance haussière qui se poursuivra au moins jusqu’à fin juin 2026
Aussi, cette croissance des volumes est à mettre en perspective avec un marché du locatif qui est en grande peine, poussant les Français, dès qu’ils le peuvent, à aller vers de l’acquisition.
Le montant de l’épargne des Français est, aujourd’hui, le plus élevé jamais observé depuis longtemps. Et cette épargne détenue entre les mains des parents et des grands-parents conduit de nombreuses familles à accorder des donations par anticipation pour permettre, aux plus jeunes générations, d’acheter un logement.
Le Sénat vient d’approuver la création du statut du bailleur privé. Est-ce une bonne nouvelle pour le marché de l’investissement locatif ?
La copie adoptée par le Sénat sur la création de ce dispositif est une copie moyennant compromissions entre députés et organisations politiques. Le statut du bailleur privé tel qu’il est présenté par le Sénat est une carcasse vide.
Dans tous les cas, il n’atteindra jamais les objectifs souhaités. Il faudra attendre sa version finale, mais celle de la chambre haute n’est pas de nature à répondre à la crise du logement locatif que nous connaissons.
Pour quelles raisons ?
Si l’on s’attarde, d’abord, sur le marché de l’immobilier neuf, il évident qu’il ne pourra pas se contenter des dispositions prévues dans cette copie du sénat pour redonner des gains d’attractivité au secteur de l’investissement locatif, à savoir, pour prendre un exemple, avec un amortissement certes, mais un amortissement soumis à des conditions de loyer et limité avec un plafond à 8 000 euros.
Ce statut du bailleur privé est un dispositif qui ne fonctionnera pas
S’agissant du marché de l’ancien, c’est pire ! On exige des travaux de rénovation, avec des loyers encadrés et avec une imputation sur le revenu global du déficit foncier porté à 21 4000 euros, déficit que l’on sait complétement inopérant en matière d’investissement immobilier dans l’existant.
Ce statut du bailleur privé est un dispositif qui ne fonctionnera pas. L’ensemble de la classe politique se donnera bonne conscience en l’instaurant, mais il restera une mesurette fiscale qui sera à la fois inopérante et inefficace.
Immo, le congrès immobilier Fnaim 2025, les 8 et 9 novembre à Paris, sera placé sur le thème « Loger les Français, agir enfin ! » Pourquoi ce slogan ?
Car nous arrivons au bout de trois années de crise qui ont montré toutes les insuffisances de la politique du logement qui a été menée. Nous attendons de longue date que soit menée une vraie politique du logement. Mais celle-ci malheureusement ne verra pas le jour avant certainement les prochaines élections présidentielles de 2027.
L’absence de majorité à l’Assemblée nationale fait que l’on doit se contenter de politiques de compromis inefficaces. Elles effleurent les sujets sans aboutir à des mesures adaptées, qui ne répondent pas aux difficultés que nous rencontrons.
« Loger les Français, agir enfin ! » est un cri d’urgence que nous lançons, un cri d’alerte
Le logement et le marché immobilier sont affectés dans toutes leurs composantes. La crise que nous vivons n’est pas conjoncturelle mais structurelle. Certes la crise de l’immobilier est derrière nous, mais celle du logement est devant nous.
C’est une crise, car nous ne savons plus construire de logements, notamment dans les territoires où les besoins sont les plus exprimés. Chaque année nous avons en France toujours plus de personnes mal logées.
« Loger les Français, agir enfin ! » est un cri d’urgence que nous lançons, un cri d’alerte. Dans ce contexte, la vision que partagera avec nous Édouard Philippe, candidat à la prochaine élection présidentielle, à l’occasion de ce Congrès 2025 de la Fnaim sera, nul doute, éclairante pour les congressistes.