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« Un plan stratégique orienté vers la croissance organique et externe » (Karine Olivier, Evoriel)

Par Christian Capitaine | Le | Agence immobilière indépendante

Dans une interview accordée à Immomatin, Karine Olivier, PDG d’Evoriel, nouvelle marque ombrelle des entités Lamy, Oralia et Richardière dans le giron de Bridgepoint depuis leur rachat à Nexity, en avril dernier, pour un montant de 440 millions d’euros, détaille sa feuille de route. Thierry Smadja, directeur général délégué d’Evoriel confirme également que l’ensemble du parc des agences (200 au total dédiées aux métiers de l’administration de biens) a été conservé par l’actionnaire.

Karine Olivier, PDG d’Evoriel - © D.R.
Karine Olivier, PDG d’Evoriel - © D.R.

Pourriez-vous revenir sur les raisons qui ont convaincu Nexity de céder son activité « services aux particuliers » à Bridgepoint ?

Karine Olivier : Cette décision de cession a été prise en septembre 2023. La volonté du Groupe Nexity est, à cette époque, de trouver un partenariat à la fois stratégique et financier pour cette activité de services aux particuliers.

Rappelons-nous de cette période : le conjoncture immobilière est fort complexe (et elle le demeure) et est marquée par une crise sans précédent du marché de l’immobilier avec, en guise de point noir, une chute record des ventes de logements neufs, et notamment sur le segment des particuliers, qui est le cœur de métier de Nexity. Dans ce contexte, le groupe décide de lancer un process classique de cession.

Quels éléments ont, selon vous, conduit Bridgepoint à réaliser cette opération ?

K. O. : Son appétence pour nos activités était forte. De plus, face à ses concurrents également intéressés par cette opération de rachat (banques, mutuelles et fonds d’investissements), Bridgepoint avait l’avantage de bien connaître notre secteur d’activité puisque la structure avait accompagné un de nos concurrents, Foncia, en devenant leur actionnaire entre 2011 et 2016.

Cette opération de rachat est aussi l’histoire d’une rencontre entre une équipe d’investissement et une équipe managériale. Avec Bridgepoint, nous avons les mêmes valeurs et affichons ensemble les mêmes ambitions pour ce nouveau groupe, baptisé Evoriel.

Thierry Smadja, DG délégué d’Evoriel - © D.R.
Thierry Smadja, DG délégué d’Evoriel - © D.R.

Thierry Smadja : Dans le cadre de cette opération, Bridgepoint a racheté une entreprise et un management. Toutes nos équipes sont restées en place. Et l’ensemble du parc des agences a été conservé par l’actionnaire

Cette transaction doit aussi permettre d’accélérer la réduction de l’endettement du Groupe Nexity, précisiez-vous, début avril dernier, lors de l’annonce de cette opération (1).

K. O. : L’objectif de cette vente était stratégique : dans ce marché qui se rétrécit et qui se complexifie, le groupe Nexity devait pivoter et se réorienter, en s’intéressant notamment aux problématiques qui concernent la régénération urbaine. Et cela requiert des investissements.

Evoriel, c’est aujourd’hui trois marques : Lamy, Oralia et Richardière. Pourriez-vous nous rappeler leur cœur d’activité ?

K. O. : Evoriel compte, à ce jour, plus de 200 agences détenues en propre, dont 160 sous la marque Lamy, une quarantaine sous celle d’Oralia et 2 sous la bannière Richardière.

Le groupe s’appuie sur le travail de plus de 3 200 collaborateurs et 4 métiers distincts : l’administration de biens, le syndic de copropriété, la gérance et les activités commerciales qui en découlent, à savoir la location et la transaction, soit la vente ou la location de biens qui sont en portefeuille et gérés à travers le syndic ou la gérance.

Lamy et Oralia déploient les mêmes activités, mais nous les avons segmentées différemment. Lamy rayonne à l’échelle nationale. Aussi, il s’agit d’une marque historique, reconnue, experte dans son domaine et de proximité. Sa connaissance du tissu local est très forte.

Evoriel pèse un CA d’un peu plus de 310 millions d’euros

Pour résumer, elle est positionnée sur un segment dit « grand public ». Le calendrier du basculement des agences Nexity vers l’enseigne Lamy s’étirera tout au long de cette année 2024, avec, pour démarrer cette opération, l’inauguration de la toute première agence Lamy, aujourd’hui (jeudi 27 juin 2024), à Paris.

Quant à Oralia, nous l’avons installée sur un segment premium. Mais attention, cela ne veut pas dire que ses offres sont meilleures que celles de Lamy. Les offres de services sont des offres sur-mesure.

Sa présence est également plus limitée sur le territoire : elle est surtout implantée à Paris et à Lyon, en plus de quelques villes phares, à l’instar de Bordeaux, Grenoble et Dijon.

T. S. : Permettez-moi un rappel historique concernant nos trois marques. Richardière et Lamy ont intégré le giron de Nexity en 2008 lorsque les Caisses d’Épargne y sont montées au capital.

La volonté, à cette époque, était de créer une marque unique, tant dans les activités de promotion du groupe que dans celles des services d’administration de biens.

Résultat : en 2009 a eu lieu le passage à la marque unique Nexity pour Lamy et Richardière. S’agissant d’Oralia, elle a été rachetée en 2014, et comme son image de marque était connue et reconnue, le groupe l’a conservée.

Comment va vivre la marque Evoriel ?

K. O. : C’est notre marque ombrelle. Elle va nous permettre de communiquer auprès de nos parties prenantes, des médias et d’embarquer notre ADN, porté par un label « Impact » sur la rénovation énergétique et sur notre approche RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) commune à nos trois entités.

Que pèsent ces trois entités ?

K. O. : Si l’on rassemble leur portefeuille, elles comptent environ 1 million de clients, gèrent 700 000 copropriétaires et 200 000 bailleurs. Evoriel réalise environ 6 000 ventes par an et près 25 000 locations.

Ce nouveau groupe pèse un chiffre d’affaires d’un peu plus de 310 millions d’euros, en y incluant les revenus de notre structure Lamy Assurances, notre courtier interne d’assurance, qui permet d’équiper nos immeubles et nos clients en produits d’assurance.

Vous annoncez, suite à cette opération de revente, la mise en place d’un accord de partenariat stratégique entre Nexity et Evoriel. Que contient-il ?

T. S. : Nexity s’est construit autour de la notion de services et ne voulait pas perdre, suite à la cession, tout le travail qui avait été entrepris entre ses équipes dédiées à la promotion résidentielle et ses agences. Sans oublier l’ensemble des études locatives qui sont réalisées en amont pour la préparation de la commercialisation des programmes.

Ainsi, la mise en place de cet accord de partenariat stratégique entre Evoriel et Nexity garantit, pour une période de six ans renouvelable (c’est un contrat de long terme), à ce que Nexity s’engage à apporter, chez nous, ses immeubles en copropriété et ses biens aux investisseurs en gestion - si le client le souhaite.

K. O. : J’ajoute qu’il ne s’agit pas d’un partenariat exclusif : dans notre feuille de route, un de nos leviers de croissance très fort consistera à faire bénéficier les autres promoteurs de nos services et de notre savoir-faire, ce que l’on ne pouvait pas faire avant du fait de cette réalité du groupe Nexity.

Quelles sont les grandes étapes de votre feuille de route ?

K. O. : D’une part, embarquer les équipes avec ce nouvel actionnaire, car devenir un pure-player et ne plus être intégrées à un groupe côté qui pesait plus de 4,6 milliards de CA génère de l’incertitude et requiert de l’accompagnement. La conclusion d’opérations de cette envergure fait naître, parfois, de fortes émotions au sein des équipes.

L’autre grande étape de notre feuille de route sera orientée vers la croissance. D’une part organique, à tous les étages, en continuant d’industrialiser notre savoir-faire en rénovation énergétique. Puis amorcer, comme précisé précédemment, un développement de notre activité auprès d’autres promoteurs que Nexity afin de faire bénéficier notre savoir-faire à d’autres acteurs du marché de l’immobilier neuf.

Conclure 15 à 20 dossiers de rachat de cabinets par an

Autre effet de levier sur lequel nous fondons de solides perspectives : la croissance externe accélérée. Bridgepoint est un actionnaire qui a les moyens et il pourra nourrir nos ambitions. Alors que nous réalisions annuellement, avant le rachat par Bridgepoint, 3 à 4 opérations de croissance externe, l’objectif, à présent, est de conclure 15 à 20 dossiers de rachat de cabinets par an.

L’objectif est de muscler notre présence sur certains territoires, avec la volonté de cibler des professionnels qui ont comme cœur de métier la gestion locative, davantage que le syndic car dans ce métier nous avons une capacité de développer notre business tout seul, nos clients étant nos propres ambassadeurs, nous avons un flux de croissance organique qui est très fort.

Quels profils de cabinets ciblez-vous dans le cadre de cette politique de croissance externe ?

K. O. : Nous ciblons aussi bien les indépendants que les groupes d’ADB, mais en tout état de cause des structures en bonne santé qui, soit pour des raisons de départ à la retraite, ou bien de volonté de changer de vie, veulent céder leur activité.

Elles seront très bien intégrées dans notre écosystème. Nous conserverons leur ADN. Notre vision nous conduit à capitaliser sur les hommes et les femmes qui les composent, en leur faisant bénéficier d’une structure centrale bien outillée, que cela concerne les problématiques RH, juridique ou d’accompagnement en savoir-faire sur les questions liées à la rénovation énergétique

Karine Olivier, quels facteurs ont pesé en faveur de votre nomination en tant que PDG d’Evoriel ?

K. O. : Je pense, en toute simplicité, mon expérience de 10 ans sur ces métiers, qui sont à la fois complexes et différents. Il y a eu, en ce sens, une volonté chez Bridgepoint de capitaliser sur cette expertise. Avec cet actionnaire et ses fortes ambitions de croissance, qui animent d’ailleurs tous les fonds d’investissements, il était nécessaire de développer deux qualités, que je pense incarner : l’esprit entrepreneurial et l’optimisme de combat.

(1) La dette nette étant de 776 millions d’euros à fin 2023