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Loïc Cantin (Fnaim) et Patrice Vergriete (ministre du Logement) : leurs divergences sur le logement

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Le face-à-face était très attendu. Il a opposé, dans le cadre du congrès de la Fnaim, mardi 5 décembre 2023 (Carrousel du Louvre, à Paris), Patrice Vergriete, ministre du Logement, et Loïc Cantin, président de la Fnaim. Principale thématique qui a opposé les deux hommes : la rénovation énergétique des logements et le calendrier qui l’encadre. Morceaux choisis, retranscris par notre partenaire News Tank Cities.

Henry Buzy-Cazaux (IMSI) a animé le débat entre Patrice Vergriete et Loïc Cantin. - © D.R.
Henry Buzy-Cazaux (IMSI) a animé le débat entre Patrice Vergriete et Loïc Cantin. - © D.R.

Patrice Vergriete, ministre du Logement :

Sur l’encadrement des loyers

« Dans le cadre de la décentralisation, il est nécessaire de responsabiliser les élus. Dans ce contexte, je suis d’accord pour lier l’encadrement des loyers à un objectif minimal de production. Une commune qui ne produit pas suffisamment ne pourra pas encadrer les loyers sur son territoire. Cela peut rassurer les bailleurs face à des territoires qui veulent contrôler la hausse des loyers tout en s’engageant pour le logement ».

Sur le calendrier climatique de la loi Climat et Résilience

« Il faut comprendre que la prochaine interdiction de louer, à partir du 1er janvier 2025, concerne uniquement les logements de classe G. Ce parc représente 646 000 logements, dont 150 000 logements de classe G+ déjà concernés par l’interdiction depuis le 1er janvier 2023. Sur cette première vague, je n’ai d’ailleurs pas constaté beaucoup d’actions en justice, ce qui est rassurant. Finalement, ce sont 500 000 logements supplémentaires qui seront concernés à partir du 1er janvier 2025, uniquement au moment du renouvellement du bail. Il est nécessaire de préciser le texte sur ce point et de faire comprendre aux propriétaires que s’ils signent le bail en décembre 2024, ils bénéficieront de davantage de temps pour effectuer les travaux. »

Sur les difficultés de rénovation en copropriété

« Sur les 500 000 nouvelles passoires énergétiques concernées par le calendrier de la loi Climat et Résilience, seules 40 % sont en copropriété (environ 200 000 logements). Le ministère a analysé ces logements en copropriété et a conclu que 9 logements sur 10 peuvent être rénovés sans travaux de copropriété. Il est donc nécessaire d’abandonner l’idée d’un report de ce calendrier, car il est certain que si l’on repousse les échéances de trois ans, rien ne sera fait pendant cette période. Il faut bien comprendre que les logements classés G, c’est terminé ! »

Sur la baisse des prix de l’immobilier 

« Il faut que les prix de l’immobilier baissent. Depuis le début des années 2000, les prix immobiliers ne correspondent plus au pouvoir d’achat des ménages. Cela a d’ailleurs été parfaitement documenté par l’économiste Jacques Friggit. Il faut également comprendre qu’on ne retrouvera pas les conditions des crédits des années 2018-2022 et que les taux ne seront plus jamais à ce niveau. »

Sur le nouveau zonage du PTZ

« Concernant le PTZ, il est faux de dire qu’il exclut 93 % du territoire, car les zones exclues par le dispositif ne représentent que 15 % des constructions nationales. L’importance est donc bien de se concentrer sur les territoires où la construction est la plus importante. »

Sur la portabilité des crédits immobiliers

« Je sais également que la Fnaim propose depuis plusieurs mois d’instaurer la transférabilité et la portabilité des prêts immobiliers. Néanmoins, je me suis renseigné, et cette mesure ne pourrait se faire que sur les nouveaux prêts qui pourraient être signés. Malheureusement, cela réduit donc considérablement l’impact de cette mesure. »

Sur le refondation de la politique du Logement

« Je ne veux pas être le ministre de la crise du logement, je veux refonder la politique du logement. Les boosters fiscaux que l’on a donnés depuis plus de 30 ans nous ont menés à des prix immobiliers déconnectés de la réalité. Le Dispositif Scellier en 2008 a été bien accueilli par les professionnels ; pourtant, il a participé considérablement à l’inflation de l’immobilier. »

« De plus, un chiffre me dérange concernant l’accession à la propriété. Dans les années 2000, 20 % des primo-accédants étaient des cadres (CSP+). Aujourd’hui, c’est 46 %. Nous sommes en train de priver de leur rêve de nombreux Français. Ces Français modestes représentent tout un pan de la population. Ils souffrent au quotidien car ils habitent à des kilomètres de leur lieu de travail, et leur pouvoir d’achat est directement impacté à cause de ces déplacements par le prix de l’énergie et du carburant. »

« C’est cette politique du logement qui a entraîné la crise des Gilets jaunes et dont je ne veux plus ! Nous devons désormais réfléchir à une nouvelle façon de construire la ville et de mener cette politique ! »


Loïc Cantin, président de la Fnaim :

Sur l’obligation de formation des agents immobiliers

« La loi Alur du 24 mars 2014 prévoit que l’ensemble des collaborateurs, salariés ou non, habilités par le titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour lui, sont concernés par une obligation de formation aux métiers de l’immobilier (42 heures sur trois ans). Ce décret n’est pourtant jamais paru. Le délai moyen pour publier un décret est de 6 mois, cela fait 10 ans que la profession attend. J’ai écrit à la Première ministre pour lui signaler que la fédération va saisir le Conseil d’État pour promulguer au plus vite ce décret car en attendant, l’État a laissé s’immiscer des particuliers dans notre métier qui ne respectent pas les valeurs et la déontologie de notre profession ».

Sur le calendrier de la loi Climat et Résilience

« Avant la promulgation de la loi Climat et Résilience, il n’y a pas eu assez d’études de faisabilité. Les entreprises RGE nécessaires pour être éligibles à MPR ne sont que 56 000 (sur 569 000 entreprises du bâtiment). Plus généralement, les passoires énergétiques F et G représentent 4,8 millions de logements. En moyenne, il faut 40 000 € de travaux pour sortir ces logements de l’indécence énergétique. Cela représente donc 200 Md€ de travaux, soit 50 Md€ par an pour tenir les échéances climatiques. C’est mathématiquement impossible, car on sait que le chiffre d’affaires du bâtiment concernant la rénovation et l’entretien dans le résidentiel est de 53 Md€/an. Il faut un plan Marshall de la formation de la profession à la rénovation, auquel cas des pans entiers de notre économie seront sacrifiés. »

« Une hypocrisie conduite par l’ensemble des mouvements politiques » (Loïc Cantin, Fnaim)

Lundi 4 janvier, en introduction de l’édition 2023 du congrès de la Fnaim, Loïc Cantin a eu des mots forts à l’encontre des responsables politiques, dont il déplore l’inertie en matière de prises de décision concernant la politique du logement en France. Extraits.

« Je suis frappé par l’hypocrisie qui semble caractériser l’ensemble du paysage politique actuel. Au vu de l’urgence existante, il devrait être possible d’adopter des mesures sociales sans que 300 000 personnes se retrouvent sans domicile, dont 30 % ont un emploi mais dorment dans leur voiture.

De plus, alors que nous nous apprêtons à interdire les passoires énergétiques à la location, ces restrictions vont continuer à contraindre les populations les plus fragiles. Cela ne peut être toléré. Il est impératif d’adopter un autre discours, de présenter une alternative, et de renouveler la politique du logement. Cette période offre une opportunité propice à la formulation de nouvelles propositions, en particulier dans l’attente d’une véritable stratégie de la part de l’État.

Ce que nous attendons du président de la République, c’est une vision prospective claire. Il est temps de prendre en compte notre situation actuelle, la démographie française, les changements dans la répartition entre actifs et inactifs, ainsi que les déplacements territoriaux. Plutôt que des sanctions, ce dont nous avons besoin, c’est d'une véritable vision et d’une stratégie d’incitation. »