Immobilier de prestige : moins de volumes, mais des prix résilients
Alors que le marché immobilier français a souffert en 2024, le segment du prestige a tiré son épingle du jeu. Moins affecté par le resserrement du crédit, mais sensible aux incertitudes géopolitiques, il traverse une phase d’ajustement, sans céder sur l’essentiel : la valeur, la rareté et l’attractivité.

Dans un marché immobilier 2024 marqué par une contraction des volumes de transactions, le segment du prestige, aussi discret qui stratégique pour les agents immobiliers qui y opèrent, a affiché une résilience notable, tant en matière de prix que de reprise de la demande.
C’est ce que révèle un étude publiée en juin 2025 par Belles Demeures, portail du Groupe SeLoger spécialisé dans l’immobilier d’exception. Un panorama éclairant sur un marché discret, mais stratégique.
3,9 % des ventes… pour 17 % de la valeur
Avec 33 000 transactions estimées en 2024 sur un total de 845 000 ventes immobilières en France, le prestige n’a représenté que 3,9 % du volume. Mais il a pesé lourd en valeur : 17 % du chiffre d’affaires réalisé à l’échelle nationale.
Pour mieux comprendre ce marché, Belles Demeures propose une segmentation en trois niveaux : Premium, Luxe et Ultra-luxe, avec des seuils d’entrée variables selon les territoires. À Paris, un bien est considéré comme premium à partir de 1,6 million d’euros, alors que ce seuil tombe à 600 000 euros dans d’autres départements.
Ce découpage permet une lecture plus précise des dynamiques régionales et des profils de clientèle. Le segment premium, par exemple, est resté le moteur du marché dans l’ensemble des territoires. À l’inverse, l’ultra-luxe, bien que très minoritaire (environ 400 ventes en 2024), a concentré une valeur patrimoniale et symbolique élevée, notamment dans les départements dits « exceptionnels » : Hauts-de-Seine, Alpes-Maritimes, Var, Haute-Savoie et Corse-du-Sud.
2024 : une année de repli, surtout sur l’ultra-luxe
Comme le reste du marché, le prestige n’a pas échappé à la baisse d’activité. En 2024, les volumes ont reculé de 20 %, soit 9 000 ventes de moins qu’en 2023. Fait marquant : cette baisse s’est concentrée sur le segment premium, qui a représenté près de 90 % des transactions concernées.
Mais c’est surtout l’ultra-luxe qui a accusé le coup, avec une chute de 55 % des ventes : 430 transactions seulement en 2024 contre près de 1 000 un an plus tôt.
« C’est le segment ultra-luxe qui a enregistré la chute la plus importante de l’activité, alors qu’il est en théorie le moins sensible au crédit. C’est un signe d’ajustement conjoncturel qui montre sa forte exposition aux incertitudes macro-économiques », analyse Thomas Lefebvre, vice-président data chez Belles Demeures.
Une demande en rebond depuis début 2024
Pourtant, le ciel s’éclaircit sur le front de la demande. Belles Demeures a mis en place un indice exclusif d’évolution de la demande, basé sur l’analyse des comportements d’acheteurs qualifiés sur sa plateforme. Résultat : une hausse de +8,8 % en un an, contre +7 % sur le marché traditionnel.
« La reprise de la demande en 2024 a été nette sur les segments premium et luxe, où les intentions d’achat sont reparties à la hausse dès le début d’année. Sur le marché de l’ultra-luxe, les signaux de reprise sont plus hésitants. Pourtant peu sensible au crédit, cette demande est en revanche exposée à l’incertitude géopolitique et institutionnelle », poursuit Thomas Lefebvre.
Une stabilité des prix qui contraste avec le reste du marché
Sur le plan des prix, le marché du prestige affiche une résistance remarquable. Tandis que l’immobilier dans son ensemble a vu ses prix baisser de 2,5 % en 2024, ceux du haut de gamme ont progressé de +0,4 % sur deux ans. Une moyenne qui masque des variations selon les segments :
- +1,4 % pour les biens premium
- -0,4 % pour le luxe
- +5,3 % pour l’ultra-luxe, segment particulièrement soutenu par la rareté de l’offre
Ce phénomène s’observe tout particulièrement à Paris et sur la façade Atlantique, comme le souligne Richard Tzipine, Directeur général de Barnes : « Le marché immobilier haut de gamme a retrouvé une bonne dynamique depuis début 2025 grâce au mix baisse des prix / baisse des taux d’intérêt. La demande est soutenue, notamment à Paris et sur la côte Atlantique. »
Même constat du côté de Junot, avec une activité en forte croissance : « Le marché ultra-luxe parisien, soutenu par les étrangers et les entrepreneurs français, reste une valeur refuge de long terme car on n’y construit plus, l’architecture y est exceptionnelle, et il bénéficie de la stabilité des taux fixes, qui sont extrêmement rarement pratiqués ailleurs. Depuis le début 2025, notre activité ventes et locations a augmenté de plus de 50 % », témoigne Sébastien Kuperfis, Président de Junot.
Une géographie sélective, mais structurante
Le prestige reste un marché fortement concentré :
- 30 % des ventes premium sont réalisées en Île-de-France
- Le segment luxe est dominé par la région parisienne et la région PACA
- L’ultra-luxe est à 40 % localisé en PACA, principalement dans les Alpes-Maritimes, le Var et les Bouches-du-Rhône
Cette concentration territoriale témoigne d’une structuration autour de pôles d’attractivité durable, capables de résister aux aléas du marché.
Mais cette résilience reste relative. « Face à l’instabilité géopolitique mondiale, et à l’incertitude politique et fiscale française, le marché immobilier n’échappe pas aujourd’hui à une certaine forme de retenue sur l’ensemble du territoire. Seul le segment du très haut de gamme, notamment sur la Côte d’Azur, semble relativement épargné par cette conjoncture instable et tendue », observe Jean-Claude Annaert, directeur général de Michaël Zingraf Real Estate.
Enfin, le poids des acheteurs internationaux demeure un facteur clé dans le dynamisme du segment. « Les Américains sont depuis toujours notre premier contingent d’acquéreurs étrangers, dont ils représentent 35 % au cours des derniers mois, suivis par ceux du Golfe arabique et ceux d’Asie. Nous venons d’ailleurs de vendre à un Américain un hôtel particulier au prix de 49 240 euros le mètre carré », souligne Charles-Marie Jottras, président du groupe Daniel Féau.