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Édouard Philippe : « Les bons sentiments de la rénovation entraîneront une catastrophe sociale »

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Calendrier de l’interdiction des passoires thermiques, réforme des acteurs privés de l’immobilier et contrôle des Airbnb… Ce sont quelques-uns des sujets évoqués par Édouard Philippe, maire du Havre, en clôture du 119e Congrès des notaires à Deauville, le 29 septembre 2023.

Édouard Philippe, maire du Havre - © CSN
Édouard Philippe, maire du Havre - © CSN

Le maire du Havre s’est, tout d’abord, dit favorable à un report à 2025 de l’interdiction de location des logements classés G.

« La question des passoires thermiques est primordiale. Dans une ville populaire comme Le Havre, si l’on pense, avec toutes les bonnes intentions du monde, que les propriétaires pourront rénover leur appartement classé G avant 2025, on se trompe », a-t-il dit.

« À l’inverse, cela engendrera mécaniquement davantage de difficultés pour les plus modestes. Les bons sentiments de la rénovation du bâti entraîneront une catastrophe sociale. Certains au Gouvernement commencent à comprendre l’impossibilité de tenir ce calendrier, mais peinent encore à aller au bout de leur réflexion. »

Les effets « pervers » du dispositif Pinel

Édouard Philippe a insisté également sur les effets néfastes produits par la multiplication des acteurs privés dans le secteur du logement :

« Si le secteur du logement social a consenti de gros efforts pour se réorganiser, ce n’est toujours pas le cas du secteur privé. Les promoteurs et les commercialisateurs n’ont pas joué le jeu de se réformer structurellement alors que nous traversions une période de vache grasse. Aujourd’hui, cette période est bel et bien terminée, et nous sommes au seuil d’une séquence explosive. »

Il a ajouté : « Il est également scandaleux que la politique du logement mobilise une manne d’argent public via des canaux de financement qui restent complexes et opaques. De nombreux intermédiaires se sont immiscés dans la chaîne et prennent au passage ce qu’ils considèrent comme l’expression d’un service utile. Dans la loi Elan, nous avions imposé aux acteurs de se regrouper, ce qui a permis une certaine rationalisation. »

« Le dispositif Pinel a, par exemple, eu pour principal effet pervers d’enrichir à coup d’argent public les propriétaires fonciers, les promoteurs et de nombreux acteurs de la chaîne de la construction. En effet, ils n’ont pas hésité à augmenter les prix car ils savaient que les acheteurs seraient aidés par l'État afin de s’endetter. La perfusion d’argent public ne doit pas participer à la hausse des prix. »

« La France a perdu le combat qui l’opposait à Airbnb »

Enfin, sur la question du contrôle des meublés touristiques, Édouard Philippe a déclaré que « la France a perdu le combat sociétal qui l’opposait à Airbnb. Il faut durcir la loi contre les hôteliers sans hôtels. Il faut permettre aux maires de réduire drastiquement la durée des locations commerciales, comme cela a été fait à Londres (90 jours par an), ou par d’autres moyens à New York (les locations de type Airbnb sont interdites quand leur durée est inférieure à 30 jours). Il faut régulariser un marché devenu sauvage. »

« L’objectif est que le secteur du logement rapporte autant à l'État tout en coûtant moins cher, car une chose est sûre, c’est que nous dépensons nettement plus que nos voisins européens. Cette politique doit donc devenir avant tout plus efficace pour nos citoyens. Pour l’instant, c’est un nid d’aides fiscales et un agrégat d’acteurs qui se servent tous sans que les loyers diminuent pour les Français. »

« C’est donc une vraie rupture en matière de logement qui est nécessaire. Il faut avoir de vraies réflexions sur la régulation du foncier et sur le nombre d’acteurs. La densification urbaine demeure une solution de bon sens, et la mise en œuvre du ZAN est nécessaire pour préserver nos paysages et nos terres agricoles. »