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DPE : « Nos recommandations sont pour maintenant, pas pour après-demain » (Pierre Moscovici)

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« Le DPE n’est pas qu’un outil technique, c’est devenu un vecteur essentiel de politique publique. Nous sommes sous la pression du temps. Les recommandations de notre rapport sont pour maintenant, pas pour après-demain. Il faut renforcer la confiance dans le dispositif », a déclaré Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, à la suite du rapport sur la mise en œuvre du diagnostic de performance énergétique, présenté le 3 juin 2025 à Paris.

Il faudra en passer par une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs, selon Pierre Moscovici - © D.R.
Il faudra en passer par une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs, selon Pierre Moscovici - © D.R.

En raison des trois échéances de 2025 (étiquette G), de 2028 (F) et 2034 (E), Pierre Moscovici juge « urgentes » deux réformes à mettre en place avant la fin 2026 :

  • appliquer une stricte séparation de l’exercice des missions de formation initiale et de certification,
  • et instaurer une incompatibilité géographique pour les auditeurs par rapport à leurs fonctions antérieures, que devra mener le ministère de la Transition écologique.

« Il faudra en passer par une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs afin de stopper une certaine endogamie dans ce secteur », dit-il.

Les deux mesures font partie des six recommandations de la Cour des comptes (qui n’intègrent pas les questions de coefficient de conversion énergie primaire - énergie finale dans les méthodes de calcul).

Le contrôle de la Cour a visé les logements privés en métropole, plus de 32 millions (hors parc social) dont 5,5 millions de passoires thermiques avec 1,3 million dans le parc locatif privé. 350 000 diagnostics réalisés par mois (120 000 en 2018).

Le DPE est opposable depuis la réforme de 2021. « L’État ne contrôle pas directement les DPE mais il peut et doit agir en amont avec l’Ademe et en aval avec la DGCCRF », selon Pierre Moscovici. En 2023, les manquements au droit de la consommation ont représenté 70 % des anomalies, devant les cas de fraude.

Les six recommandations de la Cour des comptes

• S’assurer de la bonne articulation du dispositif du DPE avec la réglementation de la copropriété et de l’urbanisme en associant les représentants des professionnels et des particuliers (ministère de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche)

• Renforcer avant fin 2025 le dispositif d’information à l’attention du public, notamment sur les différents types de DPE et les voies de recours possibles (ministère de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche)

• Mettre en œuvre en 2025 des contrôles statistiques approfondis de la cohérence des DPE effectués par l’Ademe afin de renforcer leur fiabilité (ministère de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche)

• Poursuivre la structuration de la filière avant fin 2026, notamment en instaurant une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs afin de prévenir la fraude et garantir la confiance du public (ministère de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)

• Instaurer une incompatibilité géographique pour les auditeurs par rapport à leurs fonctions antérieures avant fin 2026 (ministère de la Transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche)

• Garantir une stricte séparation de l’exercice des missions de formation initiale et de certification avant fin 2026 (ministère de la Transition écologique de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche)

Les risques générés par la sinistralité des DPE depuis 2021

Le rapport de la Cour des comptes recense (en page 72) plusieurs « risques assurantiels non anticipés » auprès des experts ou courtiers d’assurance. Il pose la question de confiance à l’égard du secteur du diagnostic immobilier, notamment dans le domaine du DPE, et des impacts économiques.

MMA qui était le principal assureur sur le marché s’est délesté en janvier 2023 de tous ses contrats d’assurance conclus avec les diagnostiqueurs de DPE. Allianz s’est désengagé et a ainsi laissé Axa en « position quasi monopolistique », indique la Cour des comptes.

Les risques causés par la sinistralité des DPE depuis leur opposabilité de 2021 seraient la cause de la frilosité des assureurs et mutuelles. Depuis 2020, 22 % des réclamations réceptionnées par les assureurs concerneraient le DPE.

En 2024, le DPE représenterait 30 % de fréquence de sinistres et 15 % du coût des sinistres (après les termites/insectes xylophages et l’amiante).

  • Le coût moyen d’un sinistre serait d’environ 5 000 €, moyenne intégrant les sinistres déclarés sans suite (qui se limitent à des frais d’expertise, voire ne coûtent rien).
  • Il oscillerait entre 20 000 et 100 000 € en cas de mise en cause juridictionnelle avérée. Dans la mesure où la moyenne de prime d’assurance est de l’ordre de 3 000 €, le rapport sinistre/prime est défavorable, indique la Cour des comptes.
  • La provision nécessaire lors de l’ouverture d’un sinistre par un assureur varie entre 5 000 et 15 000 €. Les causes principales de sinistres sont l’erreur dans le descriptif des équipements du logement et l’erreur sur les mesures de quantités annuelles d’énergies consommées.

« La réforme de 2021 n’a pas assez anticipé les conséquences majeures sur les valeurs vénales des biens immobiliers. Un pilotage global du DPE apparaît donc nécessaire pour mieux mesurer son impact sur les travaux réalisés pour améliorer les étiquettes énergétiques et ainsi évaluer l’emploi des subventions publiques allouées. C’est d’autant plus important que les particuliers ne disposent pas des voies de recours, qui sont limitées, pour contester un DPE », a expliqué Pierre Moscovici.

Les dates clés du DPE depuis 2006

2006 : création du diagnostic immobilier à vocation informative

2010 : première directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB), la seconde date de 2024

2021 : réforme du DPE en faire un indicateur centré sur la rénovation énergétique avec l’unification et la consolidation des modalités de calcul des DPE (qualités thermiques intrinsèques des logements, indépendamment du comportement de leurs occupants), il devient opposable

2024 : certification des diagnostiqueurs immobiliers obligatoire pour l’exercice de leur activité (conditions d’accès et d’exercice renforcées)

2025 : plan d’action du Gouvernement lancé le 19/03/2025 pour « renforcer la fiabilité et la confiance dans le DPE » (évaluation de 10 000 diagnostiqueurs d’ici à décembre 2025)

2025 : interdiction de location des logements classés G au 01/01

2028 : interdiction de location des logements classés F au 01/01

2034 : interdiction de location des logements classés E au 01/01