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Les patrons de réseaux immobiliers montent au front contre l’Autorité de la concurrence

Par Christian Capitaine | Le | Réseaux-franchise

Lors d’une table-ronde organisée, jeudi 21 septembre 2023, dans le cadre des Assises de l’Immobilier, à Metz, quatre patrons de réseaux immobiliers ont réagi avec vigueur et consternation au rapport à charge publié, le 7 juin 2023, par l’Autorité de la concurrence, pointant une profession d’agent immobilier encadrée par une loi Hoguet qui mériterait d’être « clarifiée et assouplie ». Morceaux choisis.

Les patrons de réseaux à l’issue de la table-ronde lors des Assises de l’Immobilier. - © Les Assises de l’Immobilier
Les patrons de réseaux à l’issue de la table-ronde lors des Assises de l’Immobilier. - © Les Assises de l’Immobilier

Dans son rapport du 7 juin 2023, l’Autorité de la concurrence, saisie par le ministère de l’Economie et des Finances, dressait deux principaux constats à la relecture de la loi Hoguet du 2 janvier 1970.

Cette loi, qui encadre le métier de professionnel de l’entremise immobilière, pourrait, d’une part « en raison de l’évolution du secteur, être clarifiée et assouplie », écrit l’Autorité de la concurrence.

Deuxième constat, reprend le rapport, le texte de 1970 « constitue un frein à une offre de services innovants ou à une baisse des taux de commission qui sont en moyenne de 5,78 % TTC en 2022, bien au-dessus de la moyenne de l’Union européenne (environ 4 % TTC) ».

Et l’Autorité de la concurrence d’ajouter : « Si les taux de commission des professionnels de l’entremise en France étaient ramenés à la moyenne européenne, un gain annuel de près de 3 milliards d’euros pourrait être dégagé au bénéfice des ménages. »

Devant ce rapport à charge, qui contient également 6 recommandations pour « assouplir et clarifier la loi Hoguet » (lire encadré), quatre dirigeants de réseaux immobiliers, développés en coopérative ou en franchise, montent au créneau pour défendre la profession d’agent immobilier.

Guillaume Martinaud, président d’Orpi :

Guillaume Martinaud, président d’Orpi - © D.R.
Guillaume Martinaud, président d’Orpi - © D.R.

« Pour quelles raisons le ministère de l’Economie et des Finances s’est-il saisi de cette question sur les moyens à mettre en œuvre afin d’assouplir et de clarifier la loi Hoguet ? Nous, professionnels de l’intermédiation, l’ignorons totalement. »

« Face à cette attaque de l’Autorité de la concurrence, une question s’impose : devons-nous, en tant qu’agent immobilier, nous interroger sur nos manquements ? Nous sommes-nous laissés déborder par les autres canaux de ventes immobilières, notamment celles qui concernent la vente entre particuliers, qui prétendent proposer les mêmes services que nous ? En tout état de cause, c’est à nous de faire ce qu’il faut pour faire mentir ce rapport. »

Les pouvoirs publics ne font rien pour le logement. Aucun cap n’est fixé. Aucune politique n’est définie.

« Nous devons aussi sortir de cette image qu’on les Français de l’immobilier, un métier où, à priori, l’on gagne de l’argent facilement. Finalement, c’est une chance qu’on nous attaque. Nous allons nous défendre. Et cela nous obligera à être meilleur. »

« On nous attaque en faisant croire à la collectivité que ce sont nos horaires qui bloquent le logement. Ce qui, bien sûr, est totalement faux. On le voit bien : il est plus facile de lâcher les chiens sur la profession des agents immobiliers que de parler des vrais sujets. Les pouvoirs publics ne font rien pour le logement. Aucun cap n’est fixé. Aucune politique n’est définie. »

« Pour nous défendre, il va falloir nous retrousser les manches, aller conquérir des parts de marchés, des parts de cœur, même… Nous devons démontrer, à tous, que les canaux de vente où tout est gratuit sont une tromperie. » 

Eric Allouche, directeur exécutif Era Immobilier France :

Eric Allouche, directeur exécutif Era Immobilier France - © D.R
Eric Allouche, directeur exécutif Era Immobilier France - © D.R

« Sur ce point (1), nous n’avons pas attendu la publication du rapport de l’Autorité de la concurrence pour agir. Chez ERA France, et ce depuis notre implantation en 1992, nous déployons « L’engagement de service ». L’objet de ce dispositif ? Recenser tous les points sur lesquels s’engage l’agent immobilier lorsqu’il obtient le mandat. Et s’il y a une faille dans nos engagements, le client peut résilier le mandat. »

« Pour être très clair, je ne comprends toujours pas pourquoi l’Autorité de la concurrence est venue nous chercher des poux alors que la concurrence est libre ! Y-a-t-il un apriori sur notre profession ? Peut-être. »

« En tout cas, ce rapport est partisan, tronqué et erroné. Car qu’y lit-on ? Que nos horaires, en France, sont en moyenne de 4,80 % (HT), alors qu’en Allemagne ils sont tout à fait comparable, soit 4,60 %. Sans compter les marges ! Celles-ci atteignent 31 % en Allemagne, contre 14 % en France ! Avec, au final en Allemagne et France, des revenus de respectivement 2 852 € et 1 387 €. »

Ce rapport de l’Autorité de la concurrence est partisan, tronqué et erroné.

(Sur la recommandation proposant « d’imposer l’élaboration d’une fiche récapitulative du dossier de diagnostic technique pour faciliter son intelligibilité et sa lisibilité) : 

« Imposer cette fiche n’a pas de sens. C’est créer une fiche de plus, une strate administrative supplémentaire. Et qui la payera ? Ce n’est pas à l’agent immobilier qu’incombe ce travail, mais davantage au diagnostiqueur. On est en plein dans le mélange des genres. Cela me laisse pantois… Et cela prouve, aussi, que nos élus et nos gouvernants ne connaissent pas notre profession. Pire : ils ne nous entendent pas ! On se souvient des conclusions si décevantes du CNR Logement… »

« Le principal enjeu pour notre profession, c’est de nous unir, tous, entre réseaux. Et cela vaut également pour les syndicats professionnels, qui doivent aussi s’entendre. Je constate, d’ailleurs, avec grande satisfaction que nous avançons, comme le prouve, par exemple, la création du fichier Amepi. C’est important que les professionnels travaillent ensemble. Autre exemple qui témoigne de notre union : la création du portail Bien’Ici. »

Brice Cardi, PDG de L’Adresse :

Brice Cardi, PDG de L’Adresse - © D.R.
Brice Cardi, PDG de L’Adresse - © D.R.

« Nous ne comprenons pas les objectifs de l’Autorité de la concurrence. Et ce d’autant plus que les Français nous apportent la preuve, à travers la publication de diverses enquêtes, qu’ils sont attachés à l’idée d’être accompagnés lorsqu’ils ont un projet immobilier. Ils veulent du service et de l’accompagnement.

« Je suis partisan du principe que « La meilleure défense, c’est l’attaque ». A ce sujet, il est important de noter que, d’après les conclusions d’un organisme de défense des consommateurs, aucune des annonces immobilières publiées sur les sites réservées aux particuliers ne répondent aux obligations légales. Aucune d’entre elles ne protègent donc le consommateur. Et il est important de rappeler que seulement 20 % des vendeurs qui passent par des sites « de particulier à particulier » trouvent des acquéreurs ! »

Les Français sont attachés à l’idée d’être accompagnés lorsqu’ils ont un projet immobilier

Aussi, nous, professionnels de l’immobilier, devons être plus offensifs sur une thématique précise : le « faire-savoir », qui est peut-être notre faiblesse. Et ce « faire-savoir » revient à rappeler, à tous, qui nous sommes, comment nous travaillons et quel rôle joue-t-on. Car le « savoir-faire », nous l’avons tous. Certes nos méthodes, entre grands réseaux, sont différentes sur certains points, mais nous avons un tronc commun qui est la formation de nos collaborateurs. Elle est uniformisée partout. »

Charles Marinakis, président de Century 21 France :

Charles Marinakis, président de Century 21 France - © Century 21
Charles Marinakis, président de Century 21 France - © Century 21

« Cette saisine du ministère de l’Economie et des Finances auprès de l’Autorité de la concurrence est une mascarade. Notre secteur n’a jamais était aussi concurrentiel. Ces dix dernières années, notre marché, comme tout marché tonique qui suscite la convoitise et l’attractivité, s’est considérablement ouvert à d’autres opérateurs que les réseaux immobiliers : je pense aux plateformes internet comme Hosman, Proprioo ou les Agences de Papa. »

« Or, quelle est la mission de l’Autorité de la concurrence ? S’assurer qu’un marché est perméable. Et, comme chacun sait, nous n’avons empêché aucun acteur de se déployer sur notre marché… »

Les organes de l’Etat ont une méconnaissance totale de notre métier d’agent immobilier.

« J’ai été auditionné par l’Autorité de la concurrence. Et j’en suis sorti avec ce constat que les organes de l’Etat ont une méconnaissance totale de notre métier d’agent immobilier. Ils ignorent tout de la valeur ajoutée que l’on apporte avec nos collaborateurs dans nos agences. Ils ignorent parfaitement notre mission de commerçants de proximité, qui apportent des services à leurs clients. »

« Alors, peut-être, n’a-t-on pas été assez performants dans notre façon d’expliquer qui nous sommes et ce que l’on propose ? Certainement devons-nous reprendre notre bâton de pèlerin et expliquer qu’à travers notre mission, nous sommes des acteurs locaux de la vie de la cité. »

Je reste enfin convaincu d’une chose : malgré les contraintes supplémentaires que l’on nous impose, que ce soit sur le plan fiscal, réglementaire, social ou organisationnel, nous avons, tous, réseaux d’agences immobilières, progressé, que ce soit dans la relation client ou dans les niveaux de services que l’on délivre à nos clients. »

 

Les 6 recommandations de l’Autorité de la concurrence

1/ Instaurer une obligation de dresser dans le mandat une liste exhaustivedes prestations rendues par le professionnel afin que le client puisse détenir une information complète pour négocier les honoraires.

2/ Uniformiser les règles relatives à l’affichage des annonces, que le paiement des honoraires incombe à l’acheteur ou au vendeur afin d’améliorer la lisibilité de l’information et de limiter les effets de report des honoraires du vendeur vers l’acheteur.

3/ Soumettre les plateformes de diffusion en ligne des annonces immobilières aux obligations d’affichageprévues par l’arrêté de 2017 relatif à l’information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière.

4/ Imposer l’élaboration d’une fiche récapitulative du dossier de diagnostic techniquepour faciliter son intelligibilité et sa lisibilité.

5/ Mettre à la disposition du public à titre gratuit les données immobilières détenues par les notairessur les prix de vente des biens immobiliers et les commissions perçues par les professionnels de l’entremise immobilière. La base de données des valeurs foncières (dite base DVF) mise à disposition du public à titre gratuit comporte des biais. En effet, le prix de vente du bien indiqué dans la base correspond à la base taxable au titre des droits de mutations et inclut donc le montant des honoraires quand ceux-ci sont payés par le vendeur. Cela est de nature à augmenter artificiellement le prix de vente du bien et limite l’intérêt de cette base de données pour les particuliers et les professionnels qui l’utilisent essentiellement pour estimer le prix des biens. L’Autorité recommande de mettre à la disposition du public à titre gratuit les données détenues par le Conseil supérieur du notariat relatives aux caractéristiques des biens immobiliers, à leurs prix de vente et aux commissions perçues par les professionnels de l’entremise. 6/ Supprimer l’interdiction faite aux notaires négociateurs d’afficher les annonces immobilières dans les vitrines de leur office notarial.

6/ Supprimer l’interdiction faite aux notaires négociateurs d’afficher les annonces immobilières dans les vitrines de leur office notarial.

(1) Recommandation n° 2, qui stipule « d’uniformiser les règles relatives à l’affichage des annonces, que le paiement des honoraires incombe à l’acheteur ou au vendeur afin d’améliorer la lisibilité de l’information et de limiter les effets de report des honoraires du vendeur vers l’acheteur. »